Strange days have tracked us down, they're going to destroy our casual joys
Froid de novembre. Tu maudis mentalement Isaac, de toujours se pointer quelques minutes en retard quand toi tu es en train de prendre racine sur le trottoir gelé par l’air automnal de New York. Une Californienne en plein automne New-Yorkais, c’était sûr que ça allait pas faire joli mélange. Si t’étais pas en train de glacer sur place, tu aurais pris la peine d’enlever un gant pour pouvoir sortir ton téléphone, taper le numéro d’Isaac et l’engueuler comme pas permis. Sauf que c’est bon, il arrive, du coin de l’oeil tu vois sa silhouette apparaître au coin de la rue. Tu soupires, t’avances vers lui, et, même si rien que son apparition éteint presque entièrement ton énervement à l’idée de la soirée que tu vas passer avec lui – promesse de successions d’évènements imprévisibles et pas forcément de manière positive, mais bon, tu aimes bien ça - tu te permets une petite réflexion.
« La prochaine fois, préviens-moi que t’aimes juste ça, me voir geler sur place sur le trottoir. Un peu plus et tu m’enterrais ce soir. »
Faire ta gamine capricieuse et dramatique, c’est ton moyen de signaler que bon, t’es un peu soûlée mais ça va, tu déconnes en partie, y a rien de grave. Vous vous mettez tous les deux en route vers l’endroit auquel Isaac te destine ce soir, endroit que tu as hâte de découvrir d’ailleurs. Parce qu’avec Isaac, on s’ennuie jamais. Et, même si c’est sûrement pas le mieux pour toi, tu adores ça. Envoyer valser toutes ces conneries de psy à la con, « tout ira mieux un jour », « la vie en vaut la peine », « il faut se tourner vers des personnes aux influences et à l’état d’esprit positifs », etc. pour faire tout le contraire et revenir aux racines de ce qui te fascine : le glauque, l’autodestruction, l’extrême, tout ce qui est sombre et en rapport avec le chaos. La ville, en surface, elle est sympa, certes. Mais ce que tu préfères, c’est visiter ses bas-fonds, ses entrailles, rejoindre ces monstres invisibles qui ne se réveillent que la nuit pour vivre sans aucune limite – ou se tuer à petit feu, mais au fond, la mort y a pas de quoi en faire tout un plat, tant qu’elle se tient encore un peu à l’écart pour le moment.
Vous approchez d’une bâtisse qui te fait d’abord hausser un sourcil, non pas que tu t’attendais à mieux, mais tu te demandes bien ce qu’il peut se cacher derrière cette façade. Vous vous placez dans la queue pendant que tu observes le bâtiment.
« Qu’est-ce que c’est que ça ? »
Une boîte de nuit, apparemment, le Limelight. Sauf que les mecs ont eu une putain d’idée. Tu sens l’excitation monter rien qu’au cadre : ce qui se présente à toi, c’est une église d’où sort un son de boîte de nuit tout ce qu’il y a de plus profane. Et ça ça te plaît. La porte, la façade, la tour de clocher et surtout le vitrail surplombant l’entrée, c’est un plan à la Isaac tout craché. Tu te tournes vers lui.
« Franchement, t’as géré. J’ai jamais connu de concept aussi cool je crois. »
Tu dégaines ton smartphone, histoire d’immortaliser le cadre fascinant qui s’offre à ta vue, mais le rendu étant décevant sur la photo, tu ranges aussitôt ton portable pour arriver au niveau des videurs. Tu sors ta carte, comme toujours, on t’y oblige parce que t’as juste l’air d’avoir seize ans, et tu entres, suivie d’Isaac. A mesure que tu ressens les basses de la musique s’amplifier, ton coeur s’emballe, tu n’étais pas retournée en boîte depuis ton départ de San Francisco, donc forcément ça fait toujours un truc de revenir dans un milieu qui t’est si familier, comme si tu te retrouvais poisson dans l’eau. Tu finis même par te dire que malgré son originalité, ça reste un milieu assez classique pour une soirée avec Isaac, mais bon, ça te convient très bien ; tu es vraiment dans ton élément. Vous longez les galeries jusqu’à vous retrouver dans la salle principale, où mixe le DJ, et tu te retrouves à t’exclamer, émerveillée, sur le vitrail que tu avais aperçu à l’extérieur, qui est illuminé de projecteurs et qui paraît très imposant vu de l’intérieur, avec la foule dansant au pied du set du DJ. Vous progressez un peu dans la foule, jusqu’à ce qu’un mec, ayant l’air trop sérieux pour être là pour te draguer de manière à ce que tu baisses ta garde directement, vienne te glisser à l’oreille la liste des produits qu’il a en poche et qu’il pourrait te vendre. Tout sourire, tu te retournes vers Isaac.
messages : 307 inscrit le : 02/11/2018 age : vingt-six ans. statut civil : se lasse aussi vite qu'il s'éprend. job/métier : consultant junior en stratégie business-corporate pour l'une des entreprises de son père
Ton regard ancré sur le reflet de ton miroir, un sourire qui se dessine sur tes lèvres, jubilant à l’idée de pouvoir t’adonner à tes divers plaisirs. Tirant sur les pans de ta chemise, ré-ajustant ta veste, tu finis par quitter ton logement, tes lèvres qui se pincèrent en constatant que t’étais déjà en retard. Les mains dans les poches, tu te pointes en retard telle une fleur et souris déjà aux remontrances de Thea, la gamine. Celle que tu trainais partout où tu allais, là où la déchéance régnait, parce que Thea, elle aimait autant que toi le chaos. “N’abuse pas.” Que tu dis, levant les yeux au ciel, ta cigarette aux lèvres. Conscient d’avoir un réel problème avec la ponctualité, simplement pour faire languir un peu plus tes partenaires, parce qu’après tout, t’aimais te faire désirer, elle l’avait cerné la gamine. Tu finis par prendre la direction de petites rues, friand des endroits cachés. Thea, elle était la compagnie parfaite. Conscient de la tirer vers le bas plus que vers le haut, tu l’appréciais réellement. Deux âmes en perdition; à la quête de nouvelles aventures. Elle était toujours partante, pleine d’entrain. Tu avançais dans la pénombre, ta cigarette toujours accrochée aux lèvres, aux côtés de la belle. Tu l’observes, un sourire aux lèvres, conscient d’attiser sa curiosité. Elle semblait emballée par les lieux et elle commençait à te poser des tas de questions. Toi, t’aimais préserver le mystère, tu hausses les épaules, te tournant vers elle. “Je sais pas, tu verras.” Tu répondais, un brin amusé. Toujours prêt à l’attirer dans des endroits illicites, parce que la normalité, très peu pour toi. Vous attendiez votre tour dans la file d’attente, tu finis par écraser ta cigarette un peu plus loin, reportant ton attention sur Thea. Elle s’émerveille devant l’église reconvertie en boite de nuit, t’esquissais un sourire, heureux qu’elle apprécie l’endroit. Son compliment qui nourrit un peu plus ton égocentrisme déjà pleinement satisfait. “T’as pas tout vu, attends.” Tu glisses, dans son oreille, conscient qu’elle allait aimer. Les mêmes goûts extravertis. Tu pénètres dans les lieux, suivi de ton acolyte, tes yeux qui parcourent la salle et les personnes. Des personnes peu fréquentables, mais toi, c’est ça que t’aimais. Tu avançais, jetais un oeil vers la gamine, que tu voulais pas perdre des yeux, parce que si tu la perdrais, tu paniquerais. Conscient que l’endroit regorgeait de personnes mal intentionnées qui savoureraient sa naïveté. Jusqu’à ce qu’elle se tourne vers toi, te proposant une pilule. “Non, et toi non plus.” Tu dis, en la poussant, de sorte de la mettre derrière toi, comme pour la protéger. Tu prends la pilule qui lui tendait, pour lui rigoler au nez et te tournant vers la belle innocente. “C’est du GHB”. Ton sang qui ne fit qu’un tour, tu pousses violemment le type en question, qui tomba à la renverse sur d’autres personnes. Du GHB putain. Tu le reconnaissais. “Te relève pas. Sinon je te fracasse la gueule connard.” Ton corps qui tremblait de colère. Encore. Presque une habitude. Parce que si tu n’étais pas là, Thea elle aurait fini dans ses bras. L’idée te donnait envie de vomir, tu te tournais vers elle. Les personnes autour de toi qui regardaient la scène. Hébétés. Tu regardais Théa, la mâchoire crispée. “Viens, on se casse.” Tu dis, en la tirant par le bras. Cette même colère que tu parvenais à raisonner. Mais personne n’avait le droit du faire du mal à la gamine.
Strange days have tracked us down, they're going to destroy our casual joys
Une étoile filante qui part, haut, haut, tout là-haut, et qui atteint son point culminant pour au final exploser, et se casser la gueule, retomber piteusement en morceaux sur terre. C’est l’impression que tu as de cette soirée, qui promettait d’être palpitante. Sauf que, quand on te propose de quoi rendre la nuit encore plus parfaite – ce qui était assez compliqué en soi – voilà que non, on te l’arrache. Tu es un peu étourdie par la tournure qu’ont pris les évènements. La seconde d’avant, tu étais là, toute contente, le sourire jusqu’aux oreilles, les fossettes creusées, à jubiler d’être tombée sur un type qui te proposait de te refourguer ta dose de bonheur en cachet pour les heures à suivre. Et quand tu as voulu te tourner vers Isaac pour lui faire partager ce bonheur en question.
« Non, et toi non plus. » qu’il répond.
Tu hausses un sourcil et le dévisages, incrédule. Au début t’en crois pas tes oreilles, non mais pour qui il se prend ?
« Pardon ? »
Sauf que t’as même pas le temps de piper mot qu’il te pousses pour que tu te retrouves derrière lui, tu n’aimes pas ça du tout, être traitée comme une gamine qui a fait des bêtises ou qu’on sort de ses rêveries pour la ramener à la réalité. Puis Isaac prend ton bonheur en cachet et n’a même pas à l’observer de plus près pour se mettre à rigoler devant ce type qui vous fait face.
« C’est du GHB. »
Tu détournes les yeux, là tu as l’impression que c’est ton cœur qui s’arrête de battre pendant un petit temps, et tu pâlis à vue d’œil, prise d’un violent haut-le-cœur, à l’idée de la catastrophe que tu viens d’effleurer du bout des doigts et dont Isaac vient de te tirer. Le temps d’une seconde, tu as le temps de voir s’accumuler toute une série de « et si », « et si Isaac avait pas été là », « et si il avait pas reconnu le produit », « et si il avait rien dit », à chaque fois ponctués d’images plus violentes et plus à vomir les unes que les autres. Puis tu es réveillée de tes angoissants scénarios internes par le bruit d’un remous dans la foule, provoqué par la chute du mec qui avait essayé de te refourguer cette saloperie. Tu te tournes vers Isaac, et pour la première fois, tu le vois à nu, juste lui et sa rage, et rien d’autre, et à la fois ça te fait froid dans le dos, à la fois ça t’attire vers lui, plus que d’habitude, d’une manière intense, profonde et sincère. Tu fais deux plus deux dans ta tête, c’est pas compliqué de déduire qu’Isaac l’a poussé dans la foule ce connard, en plus il en rajoute une couche.
« Te relève pas. Sinon je te fracasse la gueule connard. »
Tu es figée sur place, incapable du moindre mot, du moindre geste, incapable d’agir d’une quelconque manière. Tu relèves les yeux vers Isaac, pour croiser son regard bouillant comme d’une envie de tout casser.
« Viens, on se casse. »
Puis il t’attrape par le bras et commence à te tirer hors de la foule. Toi, tu es toujours incapable de quoi que ce soit, et il faut attendre que vous soyez à nouveau à l’air frais pour qu’enfin, tu retrouves ta tête, tes sens et toutes tes capacités. Et sur le coup, tu sais pas comment réagir. T’as pas envie de passer pour une enfant fébrile devant Isaac, alors hors de question que tu restes toute palote et toute tremblotante comme c’est le cas. En même temps, on t’a cassée dans ton délire tellement vite que y a moyen de faire passer ça pour de l’énervement à ton tour, même si tu sais que t’atteindras jamais le niveau de rage que tu as lu dans les yeux d’Isaac quelques secondes plus tôt. En plus, énervée, tu l’es ; l’émotion a été noyée sous le choc pendant un moment, mais maintenant que tu as respiré un coup, ça y est, tu le sens que t’es en colère. Tu sais vraiment pas comment réagir, au début tu bégayes un peu malgré toi en gagnant du temps par la parole.
« Tu es sûr que c’était du GHB ? Moi, je suis pas sûre que ça ressemble à ça le GHB. »
Puis tu sors une clope que tu allumes après avoir essayé à trois reprises, tu trembles encore un peu. Et puis la première bouffée achève de te remettre les idées en place et te donne le courage de réagir. C’est peut-être débile, mais plutôt passer pour une hystérique que pour une gamine trouillarde et tremblotante. Surtout devant Isaac. Non, seulement devant Isaac. Alors tu te mets à lui parler mal, vraiment mal, comme tu l’avais jamais fait.
« C’est toi le connard dans l’histoire. T’en sais rien de ce que c’était qu’il voulait me filer. Avoue. T’avais juste trop peur que je parte m’amuser avec lui au lieu de passer la soirée avec toi. »
Tu tires encore sur ta clope en priant Dieu pour qu’il atténue vraiment tes frémissements. Et pour te pardonner d’être obligée d’utiliser une méthode aussi ingrate pour te sauver la mise.
« Et arrête ton cirque, parce que moi si j’étais venue avec toi ce soir c’était pour m’amuser. Pas pour fuir comme ça, comme un enfant terrifié face au moindre clown qui vient tenter de foutre la merde. Je te savais pas comme ça. Si ça se trouve, je me serais plus amusée sous GHB avec ce type qu’avec toi. »
Ton cœur s’arrête à nouveau de battre, tu sais que tu as été trop loin. Que tu passes pour une folle masochiste, ou suicidaire, ou alors que tu vas le forcer à te laisser toute seule, et le voire partir, le voir te laisser toute seule, c’est la dernière chose dont tu as envie. Et, alors que tu soutenais son regard tout le temps jusqu’à présent, d’un coup, tu es prise de honte et de peur. La honte pour le comportement que tu as envers lui alors que, même si tu te refuses un peu à l’admettre, il t’a vraiment sauvée. Et la peur, parce que tu veux pas qu’il te laisse là toute seule alors que tu as trop besoin de lui. Peur un peu aussi peut-être que sa rage n’ait pas totalement disparu et qu’elle se retourne contre toi, mais ça tu en doutes quand même – tu sais qu’il t’aime bien et qu’il lèverait pas la main sur toi. Alors tu baisses les yeux et tu serres les dents en espérant que sa réaction ne soit pas à la hauteur de ce que tu aurais envie de t’infliger à toi-même sur le coup.
messages : 307 inscrit le : 02/11/2018 age : vingt-six ans. statut civil : se lasse aussi vite qu'il s'éprend. job/métier : consultant junior en stratégie business-corporate pour l'une des entreprises de son père
Tes yeux qui se froncent lorsque Thea te montre cette pilule magique, tes yeux qui s’assombrirent. Parce que vous étiez dans un endroit qui n’était pas les plus fréquentables, conscient des idées malveillantes des hommes qui traînaient autour des filles, encore plus des gamines comme Thea. Thea, naïve, qui n’avait pas imaginé une seule seconde qu’il avait essayé de l’embourber, pour pouvoir aller plus loin, sans même qu’elle se débatte. Y a ton sang qui fit qu’un tour, tes poings qui te démangent, la colère qui gronde à ta porte. Tes yeux qui ne mettent pas plus de trois secondes pour analyser cette substance chimique qui conduirait Thea droit en enfer. Elle ne dit rien Thea lorsque tu lui dis la vérité sur les idées mal intentionnées de son nouveau copain. Y a le type qui s'effondre par terre, entraînant dans sa chute d’autres personnes, provoquant des cris de stupeur. Y a tout le monde qui te regarde à présent, bouche bée. Tes yeux qui se relèvent vers la foule de spectateurs qui décide de retourner à vaquer à ses occupations et t’entraines Thea à l’extérieur. L’besoin inexorable de prendre une bouffée d’air, ta mâchoire crispée. T’avais pas contrôlé le geste et jusqu’ici, Thea, elle avait jamais vu cette partie de toi. Cette colère en toi que tu ne parvenais à contrôler, cette colère qui pouvait aller plus loin qu’une simple bousculade. Elle ne te connaissait pas Thea et t’étais conscient de lui avoir laissé entrapercevoir une partie qu’elle aurait préféré peut-être ne jamais découvrir. Tu demeures silencieux, la regardant tenter d’allumer sa cigarette, parce qu’elle tremblait. “Tu veux que je t’aide?” Tu demandes simplement, haussant les épaules. Elle remet en cause ton jugement et en un sens, ça te fait rire. Nerveusement. Tu la regardes, hoches la tête simplement. “Ouais j’suis sûr.” Tu dis simplement, tes mains dans les poches, reposant ton regard sur elle. Parce que tu sentais qu’elle était pas contente la gamine. Conscient de l’avoir extirpé d’un trip dont elle ne serait jamais remise. Tu ris à ses paroles, parce qu’elle te faisait bien rire. “J’aurais plutôt attendu un merci, mais si tu le prends comme ça.” Tu dis, simplement, te redressant du mur sur lequel tu t’étais adossé, tu hausses les épaules. Tu la surplombes la gamine, tes pupilles qui s’étaient assombries, parce que t’avais pas envie de t’énerver contre elle. Lui accordant de remettre en doute tes actions, parce qu’après tout, peut-être que tu avais trop agi sur le qui-vive. Mais tu refusais qui lui arrive quelque chose de mal. “Va t’amuser alors. J’voudrais pas te gâcher la soirée Thea.” Tu dis simplement, avant de partir. Parce que t’énerver n’aurait conduit à un meilleur résultat, tu te réfugies au bar et commandes un whisky. Y avait cette fille qui était venue te parler, mais toi, t’écoutais à peine. Tu tentais vainement d’être de bonne compagnie, mais l’comportement de Thea ça te contrariait.
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