wild // beauty

viens, helios.
ce s'ra drôle c'soir.
ils ont dit, qu'on rigolerait, à s'en crever les poumons.
à s'en éclater les coeurs, à en faire rougir d'colère les voisins.
alors viens, helios.
parc'qu'on va s'marrer, j'te promets.

alors t'as enfilé un jean, helios. t'as enfilé un t-shirt et une veste trop larges pour toi. t'as évité l'regard de papa, t'as pas vraiment souhaité lui parler. tu t'es contenté d'un coup d'oeil dans l'miroir du couloir, tu t'es contenté d'replacer tant bien qu'mal tes mèches rebelles. et t'as quitté la demeure familiale. famille. une famille, t'es pas sûre d'en avoir une, de pouvoir encore considérer quiqu'ce soit comme tel. parc'qu'helios, ce soir, tu t'sens terriblement seul, quand tu laisses papa derrière toi.

tu traverses new york. tu erres.
tu divagues, tu flanes, personne n'te remarque vraiment, helios.
tel les fantômes de ce monde, c'est probablement ce que tu es devenu à mesure du temps.

t'as rejoint cait et tous les autres. parc'qu'elle t'l'a dit, qu'ça t'ferait du bien, de venir, d'souffler. et elle a eu raison, la poupée aux cheveux dorés. c'soir, ça t'changera de la routine. de tous ces tracas quotidiens, d'maman enfermée, maman qui t'manque beaucoup trop fort, à t'en crever la rétine tard le soir à espérer une réponse quelconque à un sms à la con.

(...)

il y a les verres qui défilent. une cigarette au bec, helios, tout qui t'échappe. plus rien en tête. et bientôt beauty, beauty d'vant les yeux, c'type que t'as rencontré au garage. comme ça, par hasard. beauty qui t'intrigue, un peu, quelque part.

et la bouteille.
la bouteille du destin.
la bouteille qui tourne, qui s'arrête.
et tu sais pas vraiment c'qui se passe dans ta tête.

helios, beauty. au placard. et tu lèves les yeux au ciel.
mais tu t'exécutes, gamin.
parc'qu'après tout, on n'vit qu'une fois.

C'est pareil à chaque fois. T'avais l'habitude Balthazar. Pas du genre à sortir souvent, les soirées, moyennement ton truc. Ton frère qui veut te faire sortir, qui insiste. Non que tu lui dis fermement, volonté de rester sérieux. Mais Basil est têtu, il lâche pas l'affaire, il sait que tu vas craquer, il sait comment faire. Mais ça me ferait plaisir si tu viens. Et toi Beauty, qu'est-ce que tu ferais pas pour faire plaisir à ton jumeau ? Argument vicieux qui te convint de l'accompagner. Il paraît que tu vas t'amuser ce soir.

Tu as fait un minimum d'effort vestimentaire. Simple jean et t-shirt pour donner un coté plus décontracté qu'à l'habitude, pour changer de tes chemises. Et pour agrémenter, un foulard, juste pour l'esthétisme. Une fois prêt, t'accompagnes ton frère à cette soirée.
Lorsque vous arrivez, y'a déjà du beau monde. Ouais, on te reproche que c'est ta faute si vous êtes "en retard", parce que tu es trop long, une vraie gonzesse. Tu parles... C'est pas vrai, une demie heure dans la salle de bain c'est pas tant que ça. C'est ce qu'il faut pour se préparer, se coiffer et mettre un peu de parfum.

Tu poses les yeux sur les gens, et tu l’aperçois. Tu ne t'attendais vraiment pas à le voir ici ce soir, ça te prend au dépourvu. Mais ce n'est pas comme si c'était gênant, Helios tu l'aimes bien. C'est un gars sympa qu'il t'est arrivé de revoir quelques fois après votre rencontre.
Pour toi, c'est le début de la soirée. Ce genre d’occasions, les seules fois où tu bois. C'est là qu'ils décident de lancer ce jeu à la con, ce truc qu'on faisait tous gamins. À croire que vous n'avez pas passé l'âge. Ça tombe sur toi, ça tombe sur lui, sur vous. Tu vas devoir t'y coller. Tu hausses les épaules en soufflant, puis t'y vas.

Vous voilà coincé dans ce placard sombre, et pas très large pour couronner le tout. Vous avez du temps à perdre tous les deux, du temps à tuer. Décidément, ce jeu tu le trouves sacrément con, Balthazar. Je pensais pas te croiser ici ce soir. Alors toi aussi on t'a traîné jusque là ? J'avais pas prévu de venir, mais je sais pas dire non à mon frère alors... T'engages une conversation banale, parce que tu sais pas quoi dire. De quoi parler, dans un placard ?

tu n'sais pas vraiment ce qui t'a poussé à accepter cette invitation. tu sais pas vraiment pourquoi tu t'es pointé, helios, quand toi-même tu sais qu't'en avais absolument pas envie. helios, gamin probablement trop reclus, trop renfermé sur toi-même au fil du temps qui passe, enfermé dans l'incompréhension et les méandres de ton existence morne et terne. p't'être qu't'espérais oublier, ce soir.

oublier ta propre calamité.
oublier qui t'es réellement.
oublier l'espace d'un instant, qu'rien n'va vraiment.
ton corps meurtri, ton corps fantomatique hanté par ta propre torture.

et t'as les yeux qui divaguent, l'esprit ailleurs, l'esprit qui s'perd entre deux bouffées de nicotine, à détailler chaque individu d'cette pièce, à l'détailler, balthazar. beauty, balthazar. l'type trop canon qu'tu glisserais volontiers dans ton plumard si t'avais pas la trouille des conséquences et d'sa réaction, au matthews, en découvrant l'sac d'os ambulant qu'tu représentes. l'matthews aux allures d'hétéro raté, l'matthews qu'tu sens fébrile, un peu plus, à chaque instant. tes océans qui s'attardent sur lui, qui croisent ses noisettes éclairées d'une lueur singulière qui hanta ton esprit depuis la première fois que tu l'eu perçue.

et tourne et vire la bouteille, quand tu siffles ta cinquième bière, sur l'bout d'canapé minuscule que tu occupes. et tourne et vire, vient et s'éloigne le destin hasardeux et probablement trop dénué de sens. au placard. gamin, tu soupires, t'as l'myocarde qui s'accélère.

parc'que t'as pas prévu d'dérapage d'la sorte.
t'avais pas vu venir c'coup du sort.

la porte qui s'ferme quand tu t'assois dans un coin de ce putain de placard poussiéreux qu'cait a oublié d'dépoussiérer avant d'avoir l'idée d'ce jeu à la con. tes prunelles qui parcourent l'endroit, qui s'perdent, qui s'échouent et à nouveau, malgré la pénombre, beauty qui attire ton attention, beauty qu'est trop canon pour être réel et qui semble pas en avoir conscience. j'pensais pas non plus qu'tu traînais dans c'genre de soirée. cait m'a demandé d'venir, elle disait qu'ça me ferait du bien de sortir. sauf qu'j'avais pas envie, moi, beauty. j'avais pas envie d'quitter ma piaule trop vide, j'avais pas envie d'venir affronter l'monde c'soir pour jouer les gosses heureux. bon. on a précisément quinze foutues minutes à passer cloitrés dans c'nid à araignées. raconte moi ta vie, tes passions, c'qui t'fait sourire chaque matin. j'sais pas. parle tout simplement. parc'que j'ai pas envie d't'avouer, mec, qu'tu m'fascines un peu trop, toi, l'énigme ouverte.

À chaque fois tu faisais de ton mieux pour t'intégrer à ce genre de fêtes auxquelles on te traînait. Parce que bon, tu n'avais pas encore trente ans et t'avais vraiment pas envie de déjà passer pour un vieux qui ne sait pas s'amuser. Ce n'était pas le cas. Juste que tu n'étais pas des plus à l'aise, entouré d'autant de monde. Alors ouais tu buvais un peu plus que tu n'en avais l'habitude, pour relâcher la pression et prendre les choses plus à la légère. Certainement que si tu n'avais pas touché à l'alcool tu n'aurais pas accepté de participer à ce jeu débile. Alors tu peux remercier ce nectar empoisonné pour te retrouver dans cette situation délicate.

Délicate, car il s'agit de Helios installé à côté de toi. Tu ne veux pas te l'avouer, car tu es comme ça, et que tu n'arrives pas à changer, mais ce garçon te plaît sûrement plus que de raison. Mais comme toujours quand c'est le cas, tu préfères fuir la situation et te trouver mille excuses. Mais là, niveau fuite tu es limité dans ce placard un peu trop sombre.
Helios a raison, Beauty, t'es pas le genre à finir dans ce genre de soirée. Peut-être que même lui a remarqué que tu fais tache dans le paysage. Et alors, ça te fais du bien de sortir au final ? que tu lui demandes, pour savoir si son amie avait raison. Toi, en revanche tu en doutes encore. Tu as plus l'impression de la subir cette fête, au point de te sentir obligé de boire pour t'y sentir à l'aise.

Puis il te questionne vaguement, pour que tu lui racontes des trucs, n'importe lesquels. Mais tu ris un peu, quand il demande ce qui te fait sourire de bon matin, tu trouves ça mignon comme question. C'est vague, ça laisse plein de possibilités pour répondre, pourtant tu ne sais pas exactement quoi lui dire. Et bien... que tu fais traîner en réfléchissant à toute vitesse pour trouver quoi lui dire qu'il ne saurait pas déjà. Tu sais, ma vie n'est pas des plus passionnante. Je suis un type plutôt banal, qui lorsqu'il ne va pas bosser ne fait rien de grandiose au point que son frère se sente obligé de le traîner à ce genre de fête pour lui donner un semblant de vie sociale. Mais, je ne crois pas t'avoir déjà dit que j'aimais la musique. Je joue du piano, du violon et un peu de guitare aussi. Et de temps en temps, je propose une prestation dans des bars. Ce n'était d'ailleurs pas quelque chose que tu disais souvent autour de toi, pourtant t'avais eu envie de lui dire, parce que c'était lui. Et c'est tout bête, mais c'est voir que le soleil brille qui me fait sourire le matin, parce qu'un ciel gris, c'est déprimant. Et toi ? Qu'est-ce qui te fait sourire le matin ? Parle-moi de toi. Parce que ouais, toi aussi tu avais envie d'en savoir plus sur lui.

l'exact opposé, helios. un gamin d'un naturel bien trop solitaire du haut de tes dix-neuf années, un gamin qui préfère fuir la compagnie des autres êtres humains et se retrouver seul, face aux tracas du quotidien, tes airpods enfoncés dans les oreilles à espérer qu'maman repassera la porte de la maison, un d'ces matins.

alors ce soir, tu t'efforces et à la fois tu t'autorises un peu d'répit. l'alcool dans les veines, tes prunelles qui s'attardent plus qu'elles ne l'devraient, sur beauty, beauty qui porte merveilleusement bien son surnom. beauty et c'sentiment d'attirance insupportable depuis la première fois qu'tu l'as vu. beauty et ses iris aux teintes noisettées, dans lesquelles tu t'noierais volontiers durant des heures. tu t'sens assez stupide.

pris au dépourvu par l'éveil de c'palpitant.
c'palpitant qu'tu croyais meurtri.
c'palpitant qu'beauty semble réanimer au fil d'ses paroles.

et à côté d'ça, ta propre conscience qui cherche à assimiler, comprendre l'pourquoi du comment qui n'daigne pas se dessiner. ça change pas grand chose, en réalité, j'sais pas trop. tu te contentes de hausser les épaules. parc'que t'es pas foutu de savoir c'genre de choses, helios. aller bien. t'sentir bien. tu n'sais pas réellement, tu cherches encore à savoir à nouveau comment y procéder. parc'que depuis quelques temps, plus grand chose n'a d'sens. plus grand chose n'se montre vraiment concluant, attirant. parc'que t'as plus vraiment l'goût à quoiqu'ce soit. j'suppose que ça va. tu lui adresses un faible sourire.

c'est difficile, d't'exprimer. d'montrer c'que tu ressens. parc'que t'as plus vraiment l'habitude qu'on t'écoute, qu'on s'intéresse à toi. parc'qu'autant papa qu'toi, vous n'êtes que des fantômes ambulants, des colocataires ni plus ni moins. un bonjour échangé, quelques rires et ça s'arrête là. alors, helios, tu t'retrouves un peu con, face à sa question, qui t'tortille l'esprit dans tous les sens.

et tu lui demandes, helios.
c'qui le rend heureux, c'qui l'fait sourire.

parc'que t'as besoin d'te souvenir de c'que ça fait, d'avoir un objectif, une raison d'sourire chaque matin. tu joues dans des bars ? qu'tu questionnes, l'gamin curieux, l'gamin avide d'en savoir plus, de l'connaitre un peu plus, l'grand brun. ça doit être génial. d'avoir une véritable vie. normale. parc'que la banalité, tu la connais pas vraiment, dans l'fond. alors, t'as souris, plus que d'habitude. une fossette s'est creusée, tes océans se sont animés, pour s'éteindre à nouveau. et toi, qu'est-c'qui t'fait sourire le matin ? t'as baissé les yeux. t'en a perdu ton assurance, pris d'court. ma mère. d'me dire qu'elle est là, quelque part, et qu'elle est peut-être fière, ou qu'elle va bien. j'ai pas vraiment une vie palpitante tu sais, rien de dingue pour un gamin. tu hausses les épaules. j'voudrais réussir à renouer avec les choses simples. les soirées perdu à compter les étoiles, tout c'genre de choses qu'on oublie trop souvent, les choses qui nous font être vivant, en réalité. c'est ça qui m'fait sourire chaque matin, oui. qu'tu finis par dire, m'sentir vivant, c'est ça qui m'fait sourire. tu relèves les yeux vers lui, avec un léger sourire, les joues teintées d'rose, les yeux brillants. et l'myocarde qui s'affole à nouveau, qui bat trop fort. parc'qu'il y a cette proximité soudaine, celle dont tu t'es pas rendu compte.

et ses yeux qui croisent les tiens. et tes yeux qui jonglent.
tes prunelles qui dessinent de leur lueur méditérranéenne les traits du matthews, face à toi.
et puis tes yeux sur ses lèvres, tes yeux dans les siens.
et tu sais pas vraiment c'qui s'passe ensuite.

ses lèvres sur les tiennes, et tout un bordel qui sera loin d'être éphémère.

Tu peux pas t'empêcher de remarquer que la réponse de Helios à ta première question est assez évasive. Peut-être bien qu'au final il est tout aussi paumé ici que toi. Cependant tu te dis malgré tout qu'un j'suppose que ça va. ne veut pas tout à fait dire que ça va. Tu te demandes s'il va vraiment bien, mais tu n'oses rien dire, car tu n'es sûrement pas assez proche de lui encore pour te permettre de t'immiscer dans sa vie comme ça. C'est ce que tu te dis.

Puis la discussion avait dévié sur vous, sur toi d'abord. Et le jeune homme t'avait semblé particulièrement enthousiaste lorsque tu dis parfois jouer dans des bars. Tu as vu son visage s'illuminer, et pour rien au monde t'aurais voulu rater ça. Moui, c'est sympa. Si tu veux la prochaine fois, je t'emmène avec moi, pour que tu voies ça de tes propres yeux. Ouais, ça te ferait vachement plaisir qu'il vienne te voir jouer un de ces jours. Tu te dis que ce serait vraiment sympa.
Mais à nouveau, tu l'as bien vu perdre un peu ses moyens quand tu lui a retourné la question, quand tu as cessé de parler de toi pour t'intéresser à lui. Tu n’es pas pressé, tu lui laisses le temps, puis t'écoutes. Tu as l'impression de t'entendre, lorsqu'il dit que ça vie est loin d'être folle. Malgré ça tu as du mal à penser que ce soit si banal que ça de son côté. Je pense pourtant que tu es quelqu'un de vraiment intéressant. Tu te gardes bien d'ajouter que tu pourrais sans doute l'écouter te parler des heures durant. Ce serait bizarre de dire ça.
Enfin, ça réponse ultime, elle te touche dans un sens. se sentir vivant. Et t'en viens à te questionner. Et toi Beauty, tu arrives vraiment à te sentir vivant ? Est-ce que parfois tu ne te contentes pas plutôt de survivre ? À force de te cacher, cacher qui tu es, si probablement, que tu privilégies la survie à la vie.

Mais tu es tiré de tes pensées, par l'intensité du regard de ton vis-à-vis qui traverse le tien. Et à ce moment, tu t'arrêtes net de penser tout court. Tu l'accompagnes, en te mettant à le détailler à ton tour, dans la semi-obscurité causée par le meuble dans lequel vous vous trouvez. Tu sais ce qu'il veut, et toi au fond tu en crèves d’envie depuis trop longtemps sans jamais te l'avouer.

Vos lèvres se rencontrent pour la première fois, et ce contact te rend dingue. Il hérisse violemment tes poils et te donne des frissons. Ses lippes, comme le fruit tentateur auquel il t'est défendu de croquer, a cette saveur d'interdit qui est totalement grisante. Pendant un long moment, tu ne parviens plus à réfléchir à quoi que ce soit. Juste ses lèvres que tu n'as pas envie de délaisser. Ton palpitant qui bat à tout rompre dans ta poitrine au point que tu craignes qu'on ne puisse l'entendre. Faire une pause pour reprendre votre souffle, c'est presque trop demander. Devenu trop gourmand, sans un mot, tu lui fais comprendre vouloir plus, qu'il ouvre ses lèvres, pour rendre ce baiser plus intime. Ta main qui se pose dans le creux de son cou, qui glisse lentement jusqu'à sa nuque, pour que tes doigts finissent par se perdre dans ses cheveux. Tu ignores ce qui te prend, tu te contrôles plus. Tu perds la notion du temps. Tu as des paillons dans le ventre, et tu n'as jamais vécu une telle sensation. Et ça te fait soudain peur.

C'est cette prise de conscience qui te fait un peu paniquer. Balthazar, à quoi tu joues bon sang ? Tu recules ton visage, mets fin à cet échange que tu as honteusement beaucoup trop aimé. Tu es cramoisie, et bénis la pénombre. Tu baisses la tête, devenu embarrassée de le regarder dans les yeux. Ton souffle est encore court. Excuse-moi... Pourquoi tu t'excuses Balthazar ? Tu l'as voulu, lui aussi, pour quoi tu t'excuses ? Tu ne sais plus trop lequel de vous deux a posé sa bouche sur celle de l'autre, mais tu es celui qui a glissé sa langue sur la lèvre inférieure d'Helios pour quémander à rencontrer la sienne. Tu n'as aucune raison d’être désolé, pourtant tu l'es. Balthazar Matthews, tu n'es qu'un con !