la commissure de tes lèvres. [maxton]

Tu r’gardes autour de toi d’un air lasse ; tapotant des doigts contre le bar auquel t’es accoudé depuis la fin d’l’après midi. Tel un vautour, tu laisses tes pupilles dilatées dévisager certains passants, que tu juges, de ton air supérieur, jusqu’à c’que ton client se pointe soudainement sans prévenir, une capuche sur la tête.  Tu lui glisses les photos demandées avec lenteur, tandis qu’une enveloppe se pose délicatement, mais pourtant bien rapidement sur tes genoux. quelques billets, contre des photos compromettantes. Ton métier est parfait, pour les ingrats dans ton genre et tu souris soudainement en coin, vieux con, alors que tu termines d’une traite ta bière aromatise au caramel. C’bien un truc de tafiole, ça, mais toi. ; tu t’en tapes.

Ta langue glisse sur ta lèvre inférieure, avant que tu ne te décides à sortir de cet endroit aux odeurs désagréables de transpirations, d'alcool et d'amertume. T'es en retard, chat noir et tu le sais très bien. L’pauvre gosse qui t'attend sagement à l'appartement doit crever d'faim. Ou presque. C'est d'jà bien que tu t'occupes de lui, faut l'admettre. Enfin, t'as pas eu trop l'choix, au final. Son paternel t’a forcé la main. Fils de pute. Tu peux clairement l’dire, pour ce p’tit con incapable de voir quoi que ce soit. L’pire c’est qu’il est canon. Et qu’tu crèves d’envie d’le foutre dans ton lit. Seul hic. C’est qu’le lendemain tu devras encore le supporter. Alors tu t’gardes de le toucher ; tu t’contentes de le mater en silence. Pour l’instant ; car au final, t’as bien envie d’t’amuser un peu avec lui. « C’moi. » Qu’tu balances froidement quand tu arrives à l’appartement. Y’a son odeur partout. Même dans l’entrée. Ça t’donnerait presque l’tourin, alors que tu retires ta veste en cuire pour la ranger sur le porte manteau, avant d’balancer tes chaussures devant le meuble dans lequel tu devrais pourtant les ranger, alors que tu recraches la fumée d’un joint fraichement allumé avant d’rentrer à l’intérieur de ton appartement.

Si tu n’étais pas fou, tu le devenais progressivement. Concentré sur ta respiration lente puis sur les gouttelettes qui s’échappaient de l’évier. Ça t’arrivait même d’écouter le grésillement des lumières en te disant qu’elles finiront bien par t’éclater à la gueule un jour sans que tu ne t’en rendes compte. Et quand t’es aussi concentré sur des aspects inutiles de ta vie, c’est que t’attendais et que ta patience s’effritait au fil des secondes. T’avais bien essayé, de passer à autre chose. De le laisser se démerder avec aisance pour se faire un repas alors que tu envisageais d’grignoter une tranche de pain. Mais après avoir repoussé la table, fait tomber une chaise et peut-être même une assiette sale qui trainait sur le comptoir, t’as tout simplement décidé de t’assoir tranquille, les poings serrés contre ses genoux. Tu passas tes doigts contre le cartilage de ton nez en poussant un grand soupire, exaspéré de toi-même et de la situation. Une situation si simple, mais que tu ne parvenais pas à arranger. Le bruit. L’odeur. Pas de doute, ta nanie venait de mettre les pieds dans l’appartement. Tu bouges à peine, comme si tu voulais te fondre dans cette saleté. Devenir un meuble devait être moins épuisant qu’être aveugle. T’as l’visage calme, tes traits s’étaient détendus. Parce que même si tu ne le veux pas, t’as pas le choix de dépendre de lui et il n’a pas le choix d’être tes yeux. Mais peut-être que ta main a claqué un peu trop fortement sur la surface de la table. Peut-être même que tu plissas un peu le nez quand l’odeur nauséabonde de sa drogue venait te titiller les narines. T’as toujours détesté ce qui se dégageait de lui. Y’a que quand il sort de la douche que t’arrives vraiment à le supporter. « Tu pues, t’es en retard et t’es égoïste. » dis-tu d’une voix enrouée. T’as pas vraiment un chat avec qui parler quand il n’est pas là. Ce n’est pas non plus comme si vous teniez les conversations les plus longues au monde. Tu te lèves de la chaise en faisant gaffe de constamment te maintenir sur le dossier. Tu ne savais même pas par où tourner la tête, comment la maintenir, garder les yeux ouverts ou les paupières baissées ? Tu t’prends un peu le pied dans la patte de la chaise au moment de vouloir t’avancer et tu te retiens de justesse sur la table qui n’avait plus sa position initiale. Tu bouges plus, tu respires, t’as du mal. Tu voulais lui tenir tête, déjà près à te prendre la tête inutilement avec lui, mais tu te plis lentement parce que mine de rien : ton pied te fait mal.