Born to touch your feelings (swann)

Revenir, c'était comme se mettre dans la peau de ses anciens tueurs en série, qui dans leurs sillages, avait semé les graines d'un chaos de traces sanguinolentes. Et là, des années, décennies, après, à parcourir toutes ces rues, ruelles, ces pubs irlandais, écossais, les accents de ces visages changeants, remplacés par d'autres. Comme tant de souvenirs ensevelis, dépéris, sous le passage du temps et de ses aiguilles impitoyables. Ruines intemporelles et leurs cadavres livides, pâles, jonchant le sol de ses pas indomptés. Jeunesse fougueuse, étiolée, consumée, comme ces cibiches venant à se bercer au bord de ses lippes fumantes. Celles-là même qu'il s'était promis d'arrêter, en vain, chaque bouffée pernicieuse semblait gonfler ses poumons d'un courage qu'il s'efforçait de puiser en ces longs bras évanescents, dont les volutes venaient à danser tout autour de son visage. Là, lion incandescent, dont la crinière de feu semblait danser tout autour de son visage en un halo, comme de ces feus follets qui dans la nuit venait à chanter leurs murmures funèbres. Adossé contre sa mustang, Alec n'avait rien de funèbre. Au contraire, il irradiait, comme feu trop grand incapable de contenir ces miettes de lumières, fugaces, vives, brillant dans son regard aux vagues azuréennes. Mais ce soir, il avait perdu de ces sourires ensoleillés, en ce crépuscule naissant, la nuit ternissait l'empyrée dans une dernière étreinte ombrageuse, l'astre archaïque laissant place à sa jumelle lunaire. Embrassant les façades cet école bercée de dernières lueurs tardives, la découpe d'une enseigne noyée par l'ombre de ses pas de géant, une cour vide, déserte, de tous ces cris qui en journée venait à insuffler d'énièmes traces de vies, qui dès la naissance des ombres venait à faire de ses classes animés de simples pièces hantées par le roulement de trousses, des feuilles fendant l'air et des crayons s'entrechoquant. Et à lui, d'être là, aux pas incertains, dans ces longs corridors plongés, confrontés aux rais lunaires. Vastes couloirs abandonnés où venait à crisser les semelles de ses rangers. Et là. Sous cette porte. Juste à portée de ses doigts. Des miettes de lumière venait à traverser le dessous de celle-ci pour se frayer un chemin jusqu'à ses bottes de cuirs. Luttant vaillamment, vainement, face à la lente montée de l'obscurité. Le cœur au bord des lèvres, il l'ouvrit enfin, ses prunelles s'heurtant à la vision d'un homme au dos courbé au dessus de son bureau. Songeur, comme de ces oiseaux de nuits trop longtemps bercé au dessus de leurs branches, fixant le vide, retardant l'envolée à venir. L'ourlet de lippes déformée en des traits figés dans une torpeur qui s'évanouie au moment où ses pas franchir le seuil de la salle. La magie envolée, évanouie. Seulement une encre. Baveuse, sirupeuse, glissant jusqu'au frontière de ses orbes bercés de vagues calmes, sereines et ces monstres marins terrés dans leurs profondeurs abyssales, gardiens de secrets enfouis, enterrés, archaïques, de nouveau prêt à surgir de leurs crocs gorgés d'écumes. « Swann. » C'était comme un souffle. Lointain, disparu, qui dans le vent venait à se laisser porter dans les échos d'un zéphyr à la bise tonitruante. Et là, alors que sa silhouette se fige, se statufie. « C'est moi, Alec. »

les mômes courent dans cette récréation. swann a laissé la surveillance d'ses propres élèves aux autres maîtresses. fallait qu'il s'éclipse, quelques minutes. son téléphone a la main, dans cette salle de classe vide, il compose le numéro qu'il connaît par coeur. le même répondeur. c'est la seule chose qui l'aide à avoir encore un lien avec elle. sa voix à travers le téléphone. jusqu'à c'que cette même voix étrangère annonce que la boite vocale est pleine. pleine de ses messages. c'est nouveau, ça. c'est la première fois. ça lui prouvait qu'elle les écoutait. ça lui fait mal au coeur. swann comprendre pas, swann arrive pas à piger ce silence radio. pourtant, oh pourtant, il a encore l'espoir de revoir sa soeur après des années d'absences. il a besoin d'y croire. il a besoin de lui présenter lila. et sa fille a besoin de rencontrer sa tante. bordel.
alors swann laisse un message. parce qu'aujourd'hui, elle a un an de plus. aujourd'hui, c'est encore un anniversaire qu'il rate. encore un cadeau qu'il a pris la peine d'acheter pour espérer qu'un jour, il allait pouvoir lui offrir. pas qu'celui là, d'ailleurs. dans son armoire, dans une boîte, contient tout c'qu'il a acheté pour c'jour là.
il s'sent pas bien. mais il doit s'ressaisir, parce qu'il a pas l'choix, hein ?
il n'sait pas vraiment swann, comment il arrive à faire en sorte que cette journée ne gâche pas tout. il est impatient de rentrer chez lui et de retrouver sa fille. impatient d'l'avoir dans ses bras pour oublier l'reste de sa vie. cette princesse, elle arrive à rendre les choses tristes en quelque chose de bien plus magique. elle arrive à rendre l'absence de sa soeur en quelque chose de normal, de banal. c'est pas censé être normal, bordel.
son téléphone sur le bureau, ses petits élèves qui sont en train d'écrire sur une feuille les lettres de l'alphabet pour réussir à les écrire, il s'permet d'sourire un peu au moment où la nourrice lui envoie une photo de lila en train de dormir. avec son doudou. c'est à dire, le tee-shirt que swann a porté la veille. parce qu'elle est comme ça, sa gosse. à prendre chaque jour un haut d'son père pour avoir son odeur avec lui. surtout qu'ce soir, elle reste plus tard chez la nourrice. comme l'an dernier. parce que ce soir, même s'il a b'soin de sa princesse, il a aussi b'soin d'être seul. d'souffler. la nourrice est au courant, elle l'comprend entièrement, elle accepte toujours d'garder sa môme un peu plus tard. l'temps d'une soirée.
aussi lente, aussi rapide, la classe est vide, les gosses sont rentrés chez eux. il s'retrouve seul, sans trop rien faire. c'est sûrement le dernier enseignant qu'il reste, parce qu'les autres pièces de l'établissement scolaire sont vides, dans le noir.
il est tellement perdu dans ses pensés, swann, qu'il entend pas les pas.
pourtant, au même moment, il y a son coeur qui s'emballe,
son ventre qui lui fait mal.
peut-être que c'est un signe ; c'est pas la première fois qu'il ressent ça.
mais c'est la première fois qu'il sent qu'il se passe quelque chose.
swann entent désormais les pas. il fronce les sourcils, sans trop comprendre qui se balade dans les couloirs de l'école à une heure aussi tardive. swann. pas la peine de lever le regard, parce qu'il reconnaît cette voix. parce que son corps se met à trembler d'un seul coup. il ose pas lever le regard. il ose pas réaliser. il ose pas putain, parce que poser son regard et voir cet homme, c'est prendre conscience de ce qu'il se passe réellement, c'est rendre vrai toutes les choses qu'il a pensé pendant des années.
il souffle, ferme les yeux quelques secondes, et lève son regard.
se lève, même.
il avale difficilement sa salive. je sais. et il affronte. il pose ses yeux sur lui. et putain, c'est pas le même homme qu'il a vu avant qu'ils ne partent sans jamais revenir. un autre homme, un vrai homme. oui, putain, oui il sait que c'est lui parce qu'il reconnaît sa voix.
parce qu'il peut pas oublier c'type,
pas parce qu'il s'est mis avec sa soeur, mais pour tout c'qu'il s'est passé bien plus tôt.
il doit ouvrir la bouche. la question lui brûle les lèvres bordel, mais il en est pas capable.
un.
deux.
trois.
elle est où lara ? qu'il demande. enfin. pourquoi t'es pas avec elle ? qu'il enchaîne. pourquoi tu m'as enlevé ma soeur ?
alec,
l'homme qu'il déteste pour ça.
alec,
l'seul homme qui a réussi à rendre dingue swann.
pourquoi ma soeur n'est pas là putain ? il r'demande.
les larmes aux yeux.
hors de question qu'il comprenne,
pas aujourd'hui, bordel.

Ses épaules lui paraissaient lourdes. Pesantes, encombrées d'un poids qui ne voulait plus se défaire, cette épée de Damoclès, amoncelée au dessus de son crâne aux boucles calcinées. Et ce sentiment, qui persistait, cette amertume qu'il voyait naître dans le reflet de ces orbes rongées de fleuves charbonneux, d'essences. Flots sirupeux, pâteux, qu'il pouvait embraser de sa superbe solaire, incandescente. Pyromane, qui du crissement de ses bottes de cuir contre le sol carrelé venait à combler la distance de quelques pas. Là. Entre cette allumette invisible qui toujours venait à danser de ses langues de feus rougeoyantes entre leurs deux silhouettes intemporelles. Marquée du joug de cette passion de fauves sauvages, barbares, adolescents langoureux aux envies audacieuses. Rivalité palpable, tangible, qui même avec le temps, la cicatrisation de tous ces maux, surgissait à nouveau. Orbes tonitruantes, vagues aux traînées de poudres avides, là, dans l'horizon de cette tempête où la mer se fait d'ébène au contact d'une empyrée rugissante, grisâtre et terne. Et le cœur, les entrailles, l'âme, la psyché qui s'essore. Se vide, se relâche et s'imbibe des tambours rugissants d'une course effrénée. Et même là, en apercevant ses traits, ceux d'un homme, non d'un adolescent prêt à tout pour évincer une quelconque concurrence. Même en détaillant le relief de ses lippes aux galbes grisants, l'arrête d'un nez plus prononcé, d'une mâchoire maculée d'ombres rugueuses, naissantes, de ces deux orbes ternes, où y brillent la même lueur fugace transperçant les siennes. Ce n'est pas lui, qu'il vois. C'est un mirage, une sirène, les effluves d'écumes maculant le doux rideaux d'une crinière sombre, l'écho d'un dernier rire meurtrissant, piétinant sa psyché de réminiscences venimeuses. Poison toxique, destructeur, de deux âmes aux longs fils pourpres emmêlés, désordonné, s'harmonisant sous des souffles saccadés. Et cette voix. Le retour brutal à la réalité de décennies échouées. La, à même contre leurs langues autrefois avides de réparties, qui aujourd'hui ne sont plus que des mélodies angoissantes, asphyxiantes, se logeant dans l'écho d'une nuit funeste. « Swann... » La marque. Le repère d'un prénom qui s’amoncelle dans de longues infinités bleutées, le port, l'accroche, au carnage qui ravage le rythme avide, insatiable, vorace de ses pensées tournée vers l'ailleurs. Des champs de lumières aux monts d'ors, jusqu'aux sources d'immortalités. Le chant d'un carillon, le souffle du vent éventrant ses boucles cramoisies et une paume gorgée de lueur qui s'efface à l'intonation de cette voix abrupte. « Lara, elle... » Les mots qui s'enroulent, là, au fin fond de cette gorge à l'épaisse mélodie basse, gutturale, qui s’essouffle et tente de reprendre de son entrain. Mais ses orbes s'écarquillent et sa vue lui joue des tours. Ses poings se crispent au même rythme que ses bras moulés de son cuir se contracte. La férocité d'un lion anéanti, qui se mure dans un silence prêt à percer la barrière de ses lippes de son glas fatidique. Il tourne en rond dans sa psyché, dans ce long dédales d'options, de choix, qui s'offre à lui. Tout. Tout. Mais certainement pas la suite. Swann doit le savoir. Parce qu'après toutes ces années, tous ces silences délaissés à l'autre bout du monde, les secrets surgissent dans les pas des vieux fantômes. Et la tranquillité de toutes ces vies imbriqués, désormais remués, comme la houle de ces vagues furieuses qui s'amassent dans l'horizon de ses prunelles océaniques. « Elle est... » Un pas, puis autre, alors il se fige. L'arc de ses sourcils enflammés qui se dressent, lutte vainement, en proie à une dualité intérieure. Et puis, le relent de soufre, la morsure des étincelles mordant sa peau, crispant les muscles de sa mâchoire en des mots proscrits. « Elle n'est plus là. »

il est pendu à ses lèvres, swann. il attend, l'coeur battant si fort. swann l'sait. il s'y attendent depuis des années, l'sent venir à des milliers de kilomètres. alors ouais, ouais il est pendu sur ses lèvres, alors qu'des années plus tôt, la raison d'observer ses lippes était pour une toute autre chose. c'était pour la passion, c'était pour le désir. c'était pour atteindre le sommet. c'était en s'pliant à lui parce qu'il était complètement à lui.
et il attend,
des années plus tard, avec l'impression d'réaliser son plus grand rêve, il attend qu'alec le détruise sans demander son reste. qu'il le détruise autant qu'il le fait depuis le début, depuis l'moment où il a embarqué lara sans jamais la laisser revenir. au moment où il a enlevé les moments qu'ils auraient pu partager entre eux. alec l'a empêché d'avoir sa soeur quand il en avait le plus besoin.
est-ce qu'il lui en veut ?
énormément.
mais ils peuvent rien faire d'autre.
et l'pire ? c'est que même au moment où alec s'exprime, qu'il ouvre la bouche, il veut pas comprendre. il préfère faire la sourde oreille. il préfère s'persuader du contraire parce que le deuil lui fait peur. alors qu'il aurait dû l'faire il y a déjà trop longtemps. il aurait dû accepter son absence, vivre sans elle. accepter sa disparition. bordel.
swann n'quitte pas alec des yeux. il attend. il est patient.
mentalement, pas physiquement.
son corps tremble, ses mains sont moites, et son coeur bat tellement vite qu'il va avoir la sensation d'faire un malaise d'ici peu.
dit le, alec. il prend l'temps d'articuler chaque mot. le ton d'sa voix est d'une colère qu'il ne connait pas. oui alec, dit lui. détruit le, bordel.
il s'y attendait tellement, bordel. mais au moment où il lui dit, les larmes montent sans qu'il n'puisse se contrôler.
tu l'as tué. qu'ça sort sans qu'il n'contrôle plus rien. est-ce qu'il le pense ? oui. putain, qu'oui. c'est ta faute tout ça. est-ce que c'est vraiment sans faute ? au fond, il s'en fiche, n'veut pas savoir la réponse. c'est bien plus simple de rejeter la faute sur quelqu'un. et faut pas qu'il reste, faut qu'il s'barre.
j'dois rentrer, j'ai ma fille qui m'attend, j'peux pas rester.
c'faux et vrai. il veut juste fuir, bordel. s'envoler. pleurer, crier.
accepter.

Dit le, dit le, Alec. Qu'il le provoque, presque, l'attend, là sur le bout de ses lippes closes, éclatantes d'une véracité funeste. Et en un simple instant, en simples regards torves, nostalgiques, deux condamnés s'affrontant d'une dernière danse de vagues acérées, menaçantes, courbés vers des cieux enragés, aux seuils de leurs dernières frontières, leurs dernières luttes. Rien ne semble avoir changé, toujours là, ces deux adolescents fougueux aux fiertés de fauves blessés dont les corps s'entrechoquent douloureusement contre les casiers d'aciers d'un vestiaire spectateur de leurs rencontres vives et leurs échanges belliqueux. Mêmes âmes échouées, imbriqués dans un éclat d'étincelles pernicieuses, comètes dont les courses vives, désaxées, embrase l'empyrée d'un néant solitaire. Toujours butés, statues, murailles, ancrés à leurs confiances immuables et pourtant vacillantes, qu'un rien, que cette allumette prête à briller de son incandescence menace de s'échouer à tout instant sur cette flaque d'essence évanescente. Tu l'as tué. Le monde bascule, les bureaux réchauffés par la lueur de quelques lumières tamisées ne sont plus, engouffrés sous le passage des ombres changeante en chimères odieuses, monstrueuses. Le gouffre qui se creuse entre ses prunelles gorgées d'océans ravageurs, l'abysse d'une peine égarée, échouée, jamais guérie, juste pansée à l'aide de quelques bandages de fortunes. Blessure qui suppure, éternellement, d'amertume, de remords étouffant les battements de son myocarde rendu anémique. Et la colère, qui s'éructe d'entre ses lèvres plissées, menaçantes. Lion blessé, à la couronne de mèches maculés de teintes rougeoyantes. « Je t'interdit de dire ça, Swann. » Qu'il siffle, tout bas, feule, montre les crocs. Et pourtant n'est-ce pas là, la vérité ? Coupable, fauteur, de ses propres erreurs, propre fardeau qui pèse sur ses larges épaules depuis tant d'années. Il l'avait entraîné avec lui, cette morte dont le nom n'avait plus jamais de nouveau franchis ses lèvres jusqu'à aujourd'hui, dans sa bassesse carnassière, à même la fange d'une décadence l'ayant condamnée. Et du fauve à la gloire flamboyante, n'en restais plus qu'une flammèche à peine vivace, vivante, brillante dans une obscurité ternissant ses couleurs flambantes. « Tu n'as aucune idée de... ! » Les mots lui échappent, dansent, filent sur la courbe de ses lèvres, se coince dans ce paquet de nœuds inextricables lui lacérant la gorge. Son torse puissant qui se vide de l'air qu'il peut contenir, se gonfle et se dégonfle, au rythme des battements saccadés de son âme qui s'acharne, se convainc, qu'après le mal, les racines gangreneuses qu'il a laissé dans son sillage; tout peut être à nouveau fixé, réparé. Mais le mal est encore là, puisant dans chacune de ses fibres nerveuses, dans chacun de ses muscles crispés, dans ces veines battantes sous sa peau d'un feu prêt à s'irradier. « Une fille... ? » Et se rendre compte, qu'après leurs disparitions, le monde avait continué de tourner, prendre de son entrain, pour finalement s'épuiser, se gorger à nouveau du vide qu'ils avaient laissés dans leurs escapades. Combler, autrement, toujours. Chose, qu'il comprenait désormais. Lui, ce fauve qui même acculé dans les parois de sa grotte solitaire ne cesse de se débattre, se battre, pour le prix d'une vie semées d'injustices. « Non. » Qu'il éructe, souffle. D'un instinct enterré, surgissant des décennies plus tard, dans ce réflexe, de s'approcher de lui, dans le but de le retenir. De sa main, cette poigne qui se courbe sur son poignet. Et leurs visages, si proches, qu'il pouvait à nouveau sentir la caresse de son souffle glisser jusqu'à ses joues. « On as pas fini de parler toi et moi. »

il a mal au ventre. a l'impression que cette boule est en train d'grossir, a envie d'vomir. est-ce qu'il a vraiment été très con d'croire à tout ça ? d'croire qu'elle allait revenir ? putain qu'ouais. l'voir lui, ça lui rappelle trop d'choses. des choses à la fois trop agréables, des choses qui font à la fois trop mal. il se souvient de ses lèvres contre les siennes, puis il s'souvient de ses lèvres à elle, sur cette même paire d'lippes qui a bien trop aimé embrassé. il se souvient des caresses, des gémissements, il se souvient avoir touché les nuages plusieurs fois. puis il s'met à penser à eux.
swann se souvient l'avoir aimer, très, très fort.
et il se souvient de la blessure qu'il a eu en s'rendant compte qu'finalement, il s'était tourné vers la personne qui compte le plus pour le môme. swann s'est retrouvé seul, mais elle souriait comme un jour d'été ensoleillé, et ça n'avait tellement pas d'prix qu'il n'a jamais vraiment eu mal au bide. jusqu'à aujourd'hui.
même quand ils sont partis, swann avait tellement confiance en alec, pour plusieurs raisons, qu'même si ça lui a fait mal, c'était plus facile à accepter. elle était dans les mains d'une personne qui n'allait pas lui faire du mal. elle l'aimait. fallait pas qu'il s'inquiète, pas vrai ? lara était l'genre de fille a trop rassuré son frère quand ils étaient que tous les deux, celle qui promettait d'ne pas l'abandonner, d'être toujours là pour lui. dans les bons moments, dans les mauvais. d'jamais lui mentir.
mais c'est ce qu'elle a fait, lara. elle lui a menti, elle n'a jamais répondu à ses messages, elle n'a jamais pris l'temps d'savoir comme allait son petit frère. elle n'a jamais été là, quand la mère de sa fille est partie, quand elle lui a laissé le garde sans lui demander l'reste. elle n'a pas été là quand ça allait mal, qu'la solitude a commencé à l'bouffer. non bordel, elle n'a jamais été là. elle l'a abandonné un soir, et n'est jamais revenu le matin.
pourquoi au fond il en veut à alec ? parce qu'il est pris d'une immense tristesse, parce que lara est morte et qu'à part lui, il n'peut pas rejeter la faute sur quelqu'un ? ouais, putain. c'est sûrement pour ça. parce qu'swann a mal, est désespéré. il a l'impression d'se prendre une balle dans l'coeur. les sentiments se répètent, la douleur s'intensifie, mais les secondes n'avancent pas. trop lentement. trop d'choses.
elle était avec toi ! sa voix s'lève. encore. son corps tremble, toujours. qu'est-ce qu'il peut bien faire, d'toute manière ? absolument rien. alec enchaîne, et swann répond, avec la voix un peu plus faible, avec les sanglots qui menacent sérieusement d'se montrer. bien-sûr que non j'en ai aucune idée bordel ! elle a jamais répondu à mes messages, à mes appels ! elle est partie, tu l'as fait partir alors qu'j'avais une confiance aveugle pour toi putain ! il a pas tort. mais il connaît pas la vérité, il sait pas c'qu'il s'est passé après tout. on lui a jamais rien dit. on a jamais voulu qu'il s'confie. il doit juste subir. oui une fille putain ! j'ai essayé d'faire ma vie quand t'es parti loin d'moi pour t'mettre avec elle. j'ai essayé d'me construire quand vous vous êtes barrés sans jamais r'venur ! il n'est plus vraiment en colère. il est triste. il s'rend compte que lila n'rencontrera jamais sa tante, et pourtant, dieu sait qu'il lui en a souvent parlé. il s'rend compte qu'il n'a plus de famille, qu'il n'a plus rien.
il veut s'barrer, il en a besoin. mais il y a cette main qui attrape son propre poignet. ça suffit, pour avoir la sensation d'une décharge électrique, et c'est à la fois trop agréable; et à la fois trop interdit, trop bizarre.
swann veut pas.
swann peut pas.
pourtant, il a l'impression qu'ils sont d'un coup bien trop proches. alors swann recule, quelques pas. pourquoi t'es parti, alec ? 'toi', et pas 'vous'. mais à c'moment là, il est plus vraiment capable d'faire attention à ses mots.
pourquoi t'es parti ouais,
avec elle,
loin d'lui.

Il aurait pu faire demi-tour, sortir, s'émerger dans la pénombre, hors de ces lueurs palpitantes dans lesquelles étaient baignées leurs silhouettes. Au devant de ces chaises de classes, bureaux, amoncelés, dans une harmonie feutrée, loin de la démence dévorant la fenêtre de leurs âmes condamnées. Mais Alec n'était pas un lâche, plus jamais. Plus après avoir fuis au devant de ces vagues aux écumes mousseuses venues recouvrir les orteils de ses pieds, dont le cuir avait été tanné par des rayons trop forts, distants, dont il ne parvenait plus à sentir la chaleur, les couleurs. Seulement ce froid, ce vide, creux, tangible, intangible, venu s'abreuver de sa psyché à la dérive. La chaleur qui s'extirpe sous cette poigne contagieuse, n'en laissant qu'un froid venu s'insinuer à même son derme, là, juste en dessous de sa veste de cuir, s'évanouissant contre son échine. Les battements, roulements de tambours, secouant le cratère de ses volcans baignés de fleuves incandescents, chambre magmatique prête à éclore de leurs étincelles bouillantes. La lave pâteuse, prête à faire se mouvoir son ocre baveux, ses langues de feus prêtes à dévaler les pentes de son âme distordue. J'ai essayé d'faire ma vie quand t'es parti loin d'moi pour t'mettre avec elle. Ça n'avait rien d'une blessure banale. Rien qui n'aurait pu le faire renoncer à tourner les talons, s'en aller aussi vite qu'il s'était engouffré dans sa vie, avait marqué son regard et sa peau de souvenirs ardents. Aujourd'hui, il était là. Bien vivant, de chair, de sang et de réminiscences. Alors que sa main s'échappe, s'extirpe à sa poigne, que la sienne remonte à l'arrête de son nez, dans une migraine qu'il tente de repousser vainement. Ce chaos qui envahis chaque pores de sa peau, chaque fibre de son âme évanescente. « C'est stupide. » Qu'il lâche dans un souffle qui s'arrache à ses lippes, se meurt, dans l'agonie d'un silence qui depuis tant d'années s'est efforcé de creuser un tombeau vide dans cette distance qu'il s'était imposé. « J'ai été stupide, Swann. » D'être parti. De l'avoir emportée, loin de toi, loin de nous. D'avoir renié ce qui nous avaient liés par le passé. Le calme de son appartement lui manquait, le ronronnement de son frigo silencieux, les grésillements de cette télévision et ce tapis de cartons, trésors envolés, lettres écrites, jamais envoyées. Avec tous ces maux, ces pensées, qu'il s'était efforcé de terrer là, au plus profond des temples de son âme en ruine. « J'ai joué avec le feu et j'ai fini par me brûler. » Icare, qui de ses ailes de cires fini par redescendre du trône de ses mers nuages sous le poids d'une réalité fataliste. Après tout, comment aurait-il pu en être autrement ? Il avait été un fantôme, une âme vagabonde et aujourd'hui là, comme un tueur en série revint sur les lieux de ses crimes, le carnage qu'il avait laissé dans son sillage. Et cette haine venimeuse, qui grimpe, s'accroche aux cages de sa psyché, comme un lent poison rongeur, acide. Son poing qui s'abat contre la table, pour toute cette haine qu'il se voue à ses propres actes, cette lâcheté d'avoir abandonné le combat avant même de l'avoir commencé. Et ses prunelles aux vagues tumultueuses qui se figent, s'ancrent, dans celle de Swann. « Elle... On a fait ça pour vous protéger ! Toi, Bella, Delya ! »