color my life with the chaos of trouble. (marvin)

(color my life with the chaos of trouble)

bruit sourd de la pluie qui frappe le macadam. des pneus de voitures qui s'enfoncent dans les flaques d'eau. des gamins qui y sautent volontairement. lux, elle aime le bruit. les éclats de voix. les cris perçants dans la nuit. la vie après minuit. elle esquisse un sourire. nostalgie dans le fond de la pupille. gamine dont les souvenirs refont surface. elle se revoit tenir la main à maman. à courir et à valser sous la pluie. la voix de maman qui s'élève et qui prie la gosse de l'attendre. de pas trop s'éloigner. lux qui se contente de danser entre les réverbères alors que la grande pomme est engloutie par la nuit. étouffée par les ombres qui s'allongent. grosse boule d'argent sur un fond noir mat. sans paillettes. sans étoile. la lune comme seule compagnie le temps que la gosse aligne une centaine de pas. la veste en cuir qu'elle resserre contre son petit corps, les mains plongées dans les poches. le vent qui caresse son visage d'une légère brise. bus raté. aucun taxi à l'horizon. et en plus de ça, pas de parapluie. gouttes d'eau qui ruissellent le long de ses joues. qui perlent sur sa crinière brune. elle est trempée, lux. de la tête aux pieds. elle a l'air ridicule. en fait, elle est ridicule. le mascara a coulé, quelques mèches ont commencé à boucler. ça la fait jurer intérieurement. lux, on dirait une gamine. les yeux portés vers le ciel alors qu'elle avance au ralenti. ses pieds la ramènent jusqu'à chez les bennet. jusqu'à sa deuxième maison. elle s'arrête un moment devant la porte. ses doigts pianotent sur l'écran de son téléphone alors qu'elle envoie un message à sa mère. juste pour la prévenir. lui dire que ce soir, elle rentrera pas. et que c'est pas la peine de demander où elle est. de toute façon maman, elle prendrait pas la peine de le faire. trop habituée à ce que lux parte en vadrouille. à ce que lux disparaisse pendant des jours sans donner de nouvelles. l'inquiétude maman, elle connaît plus trop ça. ça l'a quittée, à force, l'inquiétude. maman, ça l'importe peu de savoir ce qu'elle fait, la gosse. faut dire que leur relation elle s'est détériorée. y'a ce truc qui s'est brisé entre elles. cette complicité qui faisait toute la beauté de leur famille. maintenant c'est le vide. une plaie incapable de cicatriser. ça lui fait mal, à lux. mais elle est fière. trop fière pour faire trois pas en avant. pour essayer d'arranger les choses. réparer les pots cassés. jolie garce, qu'on dit. alors elle fuit, la gamine. porte qu'elle pousse doucement après avoir trouvé ses clés. carcasse trempée qui s'immisce à l'intérieur de la baraque. silence de plomb dans la demeure. silence gênant. presque angoissant. y'a probablement personne. elle prend pas le risque de demander si y'a quelqu'un. de laisser sa voix percer le silence. veste trempée qu'elle quitte dans le hall d'entrée. finalement elle se contente de son flash de téléphone pour se rendre jusqu'au salon. alors qu'elle pourrait monter. atteindre la chambre de la gosse bennet, bambi. gagner le lit de sa meilleure amie qu'elle a tant de fois occupé. mais ce serait prendre trop de risques inutiles. prendre le risque de réveiller toute la baraque qui semble être endormie. alors elle s'affale sur le canapé. canapé sur lequel elle passera la nuit. bien plus à ses aises que dans le domicile familial. chez les gunn. comme si finalement, c'était ici qu'elle était destinée à rester. à vivre pour l'éternité. parce que c'est c'que son cœur ferait s'il en avait le droit.

(color my life with the chaos of trouble)

la fatalité de la réalité battait sa peau de pleins fouet, comme une maladie hérétique qui lui collait à la peau. il attendait le coup final. là, comme ça, debout devant son miroir. il regardait sa peau fade. ses rides cramoisies. ses yeux vident et ses cernes- cernes qui lui semblaient s'élargir de seconde en seconde. il avait bu. il avait même trop, bu. comme tous les soirs. comme toutes ces heures interminables. comme toutes ces secondes qui quémandaient un peu plus d'alcool à chaque tourne aiguille. il voyait les dégâts (c'est pas pour autant qu'il assumait)[c'est pas pour autant qu'il assumera]-même du fond d'sa tombe en marbre-. ça le chagrinait de se dire que bambi, sa fille (la chair de sa chair, le sang de son sang) devait subir cet air éteint. tous les jours. tout le temps. il fuyait son regard. il se fuyait à chaque reflet d'vitre. c'était pas beau à voir. mais rien qu'en marchant, il sentait sa peau flasque, son âme glisser à chaque fois que son pied se posait. il l'a renfilait, l'attachait une fois de plus pour qu'elle s'attarde à quitter cette baraque. lent et douloureux, il sifflait du erik satie entre les dents. ça grinçait plus qu'autre chose, imaginant sa propre marche funèbre jusqu'à l'autel. peut-être que ce soir, c'était le bon soir. pour- ouais, pour- oui, c'est ça pour- lâcher prise. s'évader. découvrir un autre univers. d'autres contrés. plus fastidieuses que celle-ci. où sa vie serait moins chaotique que celle-là. où l'alcool aurait un goût amer et imbuvable. mais pas sur terre, pas sur mère terre. il entend mère Térésa crié à l’infamie lors de son enterrement. elle aurait pas tord, que le peuple aurait répondu.
le pyjama revêtu, il s'acharne sur le bord de son lit à ouvrir le tiroir de sa table de chevet. pour une dernière gorgée -une toute petite gorgée- avant d'aller dormir. il s'enfila, au goulot, la moitié de la bouteille. "pour être sûr de dormir correctement. pour être sûr de ne pas ressentir ce manque" mais y a un bruit qui l'interpelle. qui change le monde. il inspecte l'écran de son téléphone pour vérifier si bambi lui signalait sa venue pour ce soir. rien. rien qu'un message d'alerte de candy crush pour lui supplier de prendre ses bonus de la journée. il prit le temps de prendre son bonus de la journée. rageur de recommencer à zéro demain. il dit adieu à ses beaux draps pour quelques minutes, se releva. premier essais - un échec. il tenta une seconde fois - à moitié réussit, suivit de quelques tangibles soupçons de croire que sa maison s'est transformé en bateau à voile, naviguant sur les plus hautes et dangereuses mers. marvin, il se faufile. il gambade dans le couloir. il descend les escaliers en les faisant grincer. une à une. grimaçant, jurant pour ce manque de discrétion. quand il finit par faire grincer chaque marche de cet escalier maudit, il alluma la première lumière.
"bambi? t'es d'jà rentrée?"
il laissa sa phrase en suspend. réponse du côté salon, un mouvement qui tinte contre ses oreilles (bonne audition)[faudrait penser à consulter tout de même]-ouais oh, il est pas si vieux-. il avance, tranquillement, pas pressé de se faire agresser par un potentiel voleur. la lumière fût, et sa surprise de mise.
"lux? qu'est-ce que tu fous là?"
c'était pas méchant,
c'était juste du marvin.
et marvin, il se trouva bien con. en pyjama deux pièces, à petites rayures bleus nuits sur fond blanc. le pyjama des vieux. le pyjama des retraités. le pyjama de ceux qui dorment seuls. et la gueule hagarde d'avoir trop bu. il veut pas se montrer comme ça, marv. pas devant l'ami d'sa fille. pas aussi saoul. ça l'inquiète. il sait pas trop quoi dire, il sait pas trop comment l'dire. il se doute bien que bambi lui avait glissé un mot discret à propos des bouteilles de son père. ou lux l'avait deviné elle-même, en voyant le bourbon versé dans le café du matin.
"t'as déjà mangée? t'as faim? je peux te faire un truc à grignoter si tu veux."
il sourit -grimace sentencieuse.
"t'allais pas dormir sur l'canapé quand même? depuis l'temps que tu viens à la maison, lux, tu devrais savoir que le canapé est réservé qu'aux invités."
souffler la suggestion que, lux, c'est plus qu'une invitée. un membre de la famille. la gamine qui venait jouer dans le jardin à trois heures du mat sans que ça n'inquiète personne. lux elle faisait partit des meubles de la maison. y avait même sa photo sur l'frigo.