saturday night fever (quinn)

Quinn jouait avec son stylo. Un outil fascinant, quand on y pensait, un stylo. Le modèle n’avait cessé de se moderniser au fil du temps. De la plume, on était passé au stylo à billes. Il n’écoutait que d’une oreille la réunion, réunion qu’il était censé présider. Une histoire d’actionnaires et d’autres choses qu’il avait oublié. Pas très sérieux pour un directeur administratif et financier. Tout ce qu’il savait, c’est qu’il demanderait le compte rendu à sa secrétaire, que sa cravate le serrait et qu’il commençait à être tard. Et ça l’emmerdait Quinn. Il voulait être n’importe où sauf à cet endroit, à écouter tout ça. Il se demandait parfois ce qu’il aurait choisi, si on lui avait laissé choisir son métier. Et honnêtement, il n’en avait aucune idée, étant donné qu’il n’avait pas eu le choix. Alors il allait y mettre fin à cette réunion. Surtout qu’il avait des projets, des projets qui n’incluaient ni stylo ni actionnaires ni cravate. Il se leva, lança les quelques mots d’usage avant de partir. Arrivé à son bureau, il desserra sa cravate, vit les messages de Diana. Non, il ne serait pas là ce soir, oui, encore du boulot. Boulot était pour lui un mot de code pour à peu près tout ce qui n’était pas du boulot. Sortir dans un bar, découcher, rentrer torché. Bref.

Il avait quand même trouvé un moyen de se changer, il aurait fait un peu tâche Quinn avec son costume et sa cravate. Il avait troqué les habits strictes exigés par son poste contre un tshirt blanc et un pantalon noir. Il ne connaissait pas le bar où on lui avait donné rendez vous, alors il avait décidé de s’y rendre en avance, histoire d’avoir le temps de trouver où ça pouvait être. Il a pris sa voiture, a conduit jusqu’à l’adresse. Il s’est garé un peu plus loin, a du marcher un peu. Mais ça va, il va s’en remettre. Il pousse la porte, comme un réflexe, son œil fait le tour du propriétaire. Sympa. Il s’installe à une table, en attendant celle qui va lui tenir compagnie. Non, c’est pas un rencard, ou alors un rencard déguisé. Une amie avec qui il compte s’amuser. Il ne trompera pas sa fiancée, non, il veut juste changer d’air. Parfois, ça fait du bien de changer d’air. Il commande un verre, est surpris qu’on en lui apporte un autre. Il a le temps de jeter à coup d’œil à son téléphone, de le passer en mode vibreur. Il lève la tête pour la voir arriver. Un peu en retard, en effet. Non, ça valait le coup. Il sourit, charmeur, en se rasseyant. Ses yeux analysent sa tenue, charmante. J’aime beaucoup le bar que t’as choisi, t’en connais beaucoup des adresses comme ça ? Il demande alors, changeant de sujet de conversation. Faudrait pas tous les épuiser avant la fin de la soirée.

Quinn était charmeur, c’était dans sa nature, c’était comme ça qu’il mettait les investisseurs dans sa poche, c’était comme ça qu’il avait réussi à survivre dans sa famille. À défaut de s’être rebellé comme l’avait pu faire sa petite sœur, l’homme avait copié le modèle parental était devenu un serpent. Mentir, jouer, c’était tellement plus facile que d’ouvrir son cœur. De toute façon, il avait compris que lorsqu’il se mettait à l’ouvrir, il se reprenait tout en pleine poire. Comme avec Diana. Il chassa sa fiancée de son esprit. Non, ce soir, il ne pensait ni à son boulot, ni à sa famille. Il se concentrait sur le verre qu’il avait dans la main et sur la jeune femme qui venait de faire son entrée. Il l’étudie du regard, se contente d’imprimer un sourire en coin. C'était pas un rencard. Ou peut être que ça l’était. Au fond, qu’importe, pour lui, ça ne changeait rien. Vraiment. Quel honneur, j’espère en être digne. Il garde son sourire, apporte son verre à ses lèvres. Il doit admettre que le QG de la flic est plutôt sympa. Tout les ingrédients sont réunis pour passer une bonne soirée. Oh, bien sûr, je suis parti du boulot tard, j’ai pas eu le temps, je découvrirais un autre de tes points de repères avec plaisir. Et puis, cela allait aussi permettre à la soirée de durer. Il rentrerait sûrement tard, ou du moins, du plus tard qu’il pourrait. Une porte claquée pour prévenir Diana, il irait peut être se glisser dans ses draps. Il devait encore y réfléchir. Et bien ce soir, c’est pour moi. Il rit alors. Parce que lui avait plutôt pas mal de moyens. Mais il se retint d’ajouter quoi que ce soit. Longue, très longue, je me suis même enfui de réunion, écouter parler des gens pendant des heures, ça endort. Mais ça va, les litres de café que j’ai bu m’aide à tenir. Et toi ? La justice a fait son boulot ? Il préfère l’entendre parler que lui dévoiler d’autres pans de sa vie. Ca cultivait le mystère et il avait moins de chance de se trahir.