clair de lune (libre)

t'es là, assise dans ton coin, comptant le nombre de billet qui te reste. hier, t'as bossé au cinéma, vendant du popcorn et supportant ton patron un peu trop chiant à ton gout. et puis après, t'as trouver un client, non pas pour du popcorn mais bien pour la pire chose que tu fais pour tenter de survivre depuis quelques semaines. tu lui a vendu ton corps. pour quelques billets tu lui as laissé la possibilité de te toucher, de poser ses sales pattes sur toi, de te prendre sans remords. toi, t'as compris ce qui fallait faire pour ne plus pleurer a chaque fois, pour ne plus pleurer quand tu te douches avant de quitter la chambre d’hôtel. tu as coupé les sentiments, ton estime de soi, tes rêves et tout ces trucs qu'une gamine de dix-huit ans devrait avoir. mais avec ça tu as pu faire quelques achats, remplissant ton sac à dos de truc qui nécessite pas de cuisson et qui peut malgré tout caler ta faim. des biscuits, du pain, des sandwich et de l'eau. le minimum. tu as de la chance de ne pas avoir l'air pathétique, de ne pas avoir l'air sale, de ne pas sentir mauvais parce que tu peux prendre des douches quand tu te vends. tu n'es pas fière de tout cela, mais qu'est-ce que tu peux faire ? t'es encore au lycée, tu bosse dans un cinéma, mais t'es toute seule. sans famille. et toi, tu ne veux pas être un boulet pour tes amis. tu comptes donc ce qu'il te reste avant de le ranger, tu t'installes. tu vas rester dans ce parc ce soir, le temps n'est pas si mauvais et il ne fait pas encore froid. tu as gardé quelques fringues que tu laves à la laverie dès que tu le peux. tu tentes de garder une certaine dignité pour les autres, pour qu'ils ne remarquent rien. finalement, le soleil se couche, la nuit tombe et toi t'y endors. pas totalement, tu restes sur le qui-vive mais au moins, tu peux te reposer. parce que tu es fatiguée, parce que tu es épuisée.