méfiance whisky (nana)

(méfiance whisky)   il pleuvait mauvaise humeur chez les deux derniers bennet. ça pestait. ça s'effritait. le nuage noir à l'horizon, la main tendue dans l'instance de voir une goutte de pluie s'échouer, les poils frémit de se dire que l'orage claquera. tôt, ou tard.
bambi en retard. bambi qui court. bambi qui se demande quand le lapin blanc passera sous son nez. elle bouge trop ce matin. elle gueule sur son père, parce qu'il a déplacé ses affaires. ça n'avait qu'à pas traîner; c'est pas une excuse pour y toucher; c'est mon argent dans tes affaires, j'y touche si j'veux; tu pourrais au moins savoir où tu les as foutus; j'l'ai rangé, à sa place; et ça continue. encore et encore. le ton monte si doucement. l'impression d'attendre le coup final de l'orchestre symphonique de manhattan. ça bouge drôlement bien chez les bennet. de trop comparé à d'habitude. la joie qui rase les murs, peur d'être reconnue. ça se chauffe, ça s'échauffe, ça grommelle dans la barbe d'un et d'autre. et merde, et merde, et merde. on commence à voir flou. les portes qui claquent et les insultes ravalés. on s'insulte pas entre bennet. on se fusille du regard en attendant le prochain car. j'ai loupé l'bus, daddy, fait chier; j'irais te conduire, et ton vocabulaire putain; y'a un doigt qui s'envole. putain, c'est bien sa fille ça. ça danse entre les rires et la froideur du matin. ça reste encore entre les dents. cette matinée mordante. bambi est en retard. marvin est en retard. combinaison de deux décennies rattrapées. il l'embrasse sur le front avant de partir. mauvaise humeur qui fond sur le siège passager.
il conduit comme un con. pour rattraper le temps. pour jouer quelques minutes avec la mort, meilleur ami du danger. il crame sa pédale et les feux pour supprimer l'ardente haine qui fulmine sous ses oreilles. parce que nana, il vient aujourd'hui. parce que le bouffeur de chien, il va foutre un pied chez lui. voir deux. voir même marcher dans sa maison. voir même respirer le même air que lui. ils vont être assis presque côte à côté. ils vont devoir s'échanger des paroles. il le déteste pas nana. il ne le hait pas non plus. mais son corps n'est pas apte à s'ouvrir à lui. comme un parasite. comme un microbe qui arrive du jour au lendemain. pour prendre dans ses bras gluants sa vie. ses amis. encercler le tout pour former une masse gênante. qui n'a rien à foutre là.

marvin, ennemi juré du changement.
nana en est un.
et putain, ça le démange de lui rouler dessus par inadvertance.
s'excusant à mikey, comme s'il n'avait qu'écrasé ses pétunias.

ça manquait pas. l'heure du rendez-vous fixée devant sa maison, dépassée de vingt minutes. il se gare. comme une merde. il sort de sa voiture. le regard emmerdant. il le dévisage, là, son cul posé sur son perron. sa cigarette dans la gueule. il va finir par crever de ce tabac si nocif. pour le bonheur de certain. pour la gêne de marvin. il claque la porte de sa voiture. il fait traîner ses pieds jusqu'à la porte de sa maison. il s'arrête même pas devant l'nana d'mori de tu me fais chier. le new york times qui l'appel pour lui demander de recommencer ces dessins. ces putains de dessin du talent incarné de mori. ah il applaudit, le grand chef. il applaudit de se faire détrôner par un chinois. tous les mêmes. on lui a appris le dessin à trois ans, depuis, il carbure qu'aux courbes féminines si tangible à se branler d'ssus. il commence mal ce matin. marvin est pas de bonne humeur. marvin, il a envie de sauter par la fenêtre en gueulant sur tout le monde avant. marre. marre. marre. et un retard, c'est un échec cuisant sur son égo. 
- tu r'tiras tes chaussures dans l'entrée.
y'a pas d'excuse qui font trembler sa voix. c'est rien qu'un ordre pour lui faire comprendre qu'il est pas chez lui. que c'est pas un dessin de plaisir. que ça le fait chier de le laisser rentrer chez lui. parce que cette baraque, elle a pas changé depuis. depuis ça. depuis ça là. y'a des cadres partout. y'a des photos partout. y'a des trucs à la con partout. y'a des trucs qui font vrais maisons d'américain sur tous les centimètres de cette baraque. c'est ça qui le fait vraiment chier. laisser rentrer nana, sans avoir fait le tris avant. merde. marvin il va bientôt se planter le crayon dans l’œil juste pour le faire fuir. si y'a que ça pour lui faire passer une bonne journée.  

(méfiance whisky)   l'humeur de parking. celle de tourner en rond, en rond, en rond. de louper la sortie. trois fois. d'entendre le passager crier à la dernière minute de tourner à droite. et tourner en rond, encore, en rond, encore, en rond. rayer la carcasse contre un virage virulent. le ticket qui ne passe pas. le ticket qui s'éjecte. la voiture trop loin de la borne, alors sortir et se détacher pour remettre le ticket défectueux. entendre dire que le ticket n'est pas mis correctement. le retourner. ça marche toujours pas. reculer. gueuler et insulter le parking de gros con. s'embrouiller l'esprit à cause des klaxons. insulter les autres personnes pour se défouler. se rendre compte qu'au final, ça s'aggrave. faire un doigt à la personne de derrière. elle sort de sa voiture. ça s'embrouille. ça gribouille. ça s'parfume. ça gueule. ça frappe. ça tape. ça se fait éjecter par la sécurité. ça fulmine sous les yeux rouges. sous les étoiles qui s'marrent bien. dans leur coin. torrides étoiles. cachés sous la couverture soleil. c'est cette humeur joviale qui rime sur les lèvres de marvin.
jeter ses affaires dans l'entrée. se défiler à la cuisine pour café bourbon. une nécessité fulgurante que de calmer ces nerfs qui boom boom dans ses oreilles. la nonchalance de nana qui frôle l'immortalité. il grogne une certaine réponse, à trouver le bon sens. peut-être un  'joli temps n'est-ce pas?' ; 'tu fais quoi pour noël?' ; 'journée d'merde' ; 'moi de même, enchanté de te revoir'. pluralité de réponse, de choix, de vision plus ou moins accentués sur la personnalité du gosse. il arrive à dissoudre son ego dans le café. le sucre qui part en vrille. sa gueule qui s'émoustille. faut montrer de la joie. de la bienveillance à l'égard de ces jeunes. les gosses qui foutent un pas dans ce monde de brute. faut croire que cette phrase bateau lui donne le mal de mer. l'envie de sauter en pleins vol. plaf, la gueule collée contre le sol et son corps qui se transformeraient rapidement en une flaque d'eau rouge carmélite. il s'avance. les pieds lourds. deux tasses dans les mains.
- te mentir serait de dire que j'ai le choix. la vérité, serait dire que je suis obligé de bosser avec toi si je veux bien garder mon boulot.
il lui refile la tasse comme une bombe. juste parce que, dans celle de mori, l'alcool n'est pas sucrette.
- alors, je vais être semi-honnête. à voir si ça existe.
il commence à s'barrer. l'idée de filer dans son bureau. avec le nana sur les épaules. pour lui faire comprendre il cause tout en marchant. tout en sirotant sa tasse. tout en agitant aucun de ses bras. tout en offrant comme réaction faciale qu'une mine dégoûtée de ne pas avoir mis assez d'alcool dans ce café trop goût café.
- ce qui me rebute, c'est de dessiner a jeun. de dessiner avec toi. ou n'importe qui d'autre. j'aime pas bosser à deux. c'est trop bazar. c'est trop- tout et n'importe quoi. un cerveau, un talent. deux cerveaux, de la merde sur papier. le new york times veut de la merde? qu'on leur en distribue gentiment.
y a une histoire de paye qui s'aligne entre ses mots. qu'il donnera à nana une partie de ce qu'il en deviendra. de ces fameux dessins. de ces courbes qui vont révolutionner le monde. ou rendre aveugle les sourds et sourd les aveugles. il avance, s'arrête jamais. à croire qu'on aurait rebooter le système de cet automate pourtant fait de bois. il speed, il s'plit jusqu'à son bureau. cette pièce parfois trop grande. cette pièce parfois trop petite. un tout, un rien. des meubles. des papiers. qui volent. qui s'attachent. qui stagnent. des crayons. des feutres. des pots de peintures (ouverts)[si secs]. une odeur douceur. d'orange en fin d'hiver. de clémentine en début automne. marvin s'étale sur la première chaise. laisse le désir à nana de s'installer où bon lui semble.
- t'as déjà quelques brouillons?
lui, il doit en avoir un. ou deux. ou trois. ou trente planqués par-ci, par-là. sans faire-valoir il le guette d'un œil étrange. ces nerfs boom boom s'apaisent. son esprit partage s'étale, timide et souffrant d'une peur de se faire couper dans son élan.