encore dans ce petit rade - nana

une bouteille de téquila - un après-shampoing à la noix de coco. [réparation intense][nutrition extrême]
à défaut de faire alcoolique à la caisse, il aura au moins les cheveux qui sentent bons. ce qui n’arrive que troisième dans sa liste de priorités capillaires après sa peur de la calvitie et sa peur d’avoir les cheveux gras. il fixe le liquide translucide pas convaincu mikey - the last man standing, il y jouait quand il était encore à l’université et il y a encore une partie de lui qui se dit qu’il a passé l’âge de ses conneries. qu'il va finir coincé dans la baignoire jusqu'à demain.
mais c’était nana, nana qui cherche la petite bête par messages interposés. nana qui allait faire la tronche devant son crâne KAH, pourtant fort sympathique. beaucoup plus sympathique que le contenu. il dit pas bonjour, il dit pas au revoir, il paie avec un billet de $100 mikey. faudrait au moins qu’il lâche son téléphone pour voir que la caissière a au moins dix middle fingers dans chaque œil.
aujourd’hui il s’en fout, aujourd’hui il a vingt piges de nouveau. il s’gare mal mais il hésite pas: il ne va pas refaire son créneau pour la gloire. au pire il prend deux places, c’est la mort que pour ses voisins.
il lâche ses achats sur la table, plante la bouteille contre le bois de la table du salon.
- nana, t’es où ? j’ai une surprise pour toi. il a la voix trop douce mikey. l’intonation du piège à ours.

encore ce petit rade -
il s'est ramené sans sortir les trompettes. il s'est ramené, sa bouteille à la main, posée sur meuble dans le salon. maintenant nana, il attend, maintenant nana il bosse, sur un fond de TANUKI qui se dégage de son téléphone. y'a de la peinture plein ses mains, y'a son tee-shirt blanc dégueulassé qui balance des couleurs vives, y'a ses lunettes sur le haut de sa tête au lieu d'être sur son pif - c'est qu'il essaie d'autres matières nana, la gouache au lieu de l'aquarelle cette fois. penché sur sa feuille, sourcils qui se froncent, iris qui parfois vrillent - il attend que le parieur se ramène, qu'il se prenne une défaite sans précédent. sourire aux lèvres qui se dessine quand il entend que la porte claque, quand il entend la voix, il redresse sa caboche presque radieuse. c'est qu'il a bientôt trente balais mais qu'il se donne la dégaine d'un adolescent en mal d'attention - il termine son trait, étire un peu son dos trop souffrant. y baisse les yeux sur la table basse, tire une grimace en nettoyant ses paluches sales avec un torchon aux imprimés qu'il arrive pas à déterminer.
- téquila... t'es vraiment une horrible personne.
soupir. il fait quelques pas à peine, dévoile son tour de passe-passe.
- umeshu, alcool de prune comme promis. rictus qui grandit, grandit encore - il avait juré nana qu'il lui remplirait le bide du fruit du démon. hochement de tête, il la pose à côté de l’infâme alcool mexicain - jauge les deux instruments. torture douce qui montrera sa vraie nature quelques heures après, qu'assèchera les crânes au point de les rendre cassables d'un coup de cuillère.

il sait qu'il regrettera demain.

y pose son cul au sol, rajoute pour la forme en posant ses coudes sur la surface lisse en bois.
- tu peux encore t'avouer vaincu.

il y a le sourire qui s’estompe un peu en voyant la bouteille (venin)(poison). il avait oublié ce minuscule point de détail mikey, l’alcool qui assèche la rivière. alors qu’on lui dise qu’il est une horrible personne, il veut bien mais là - il se foutait de sa gueule. c’est l’hôpital qui refoule tout l’monde à l’entrée là. les médecins qui s’prennent des bons gros shots de gaz hilarant dans les sinus. sauf qu’il riait plus vraiment mikey, il observe la bouteille du coin de l’œil, méfiant. puis il regarde nana, nana qui a déjà gagné dans un coin d’sa tête.
- arrête de sourire bêtement tu veux, j’ai pas signé pour ça. il regarde le fond, la couleur, l’aspect qu’il aura bientôt vite fait de vomir dans les toilettes - faut pas se leurrer.
il ouvre la table basse, allonge le bois d’un côté et de l’autre. il sort deux verres mikey, tout en fixant nana. il s’dit qu’il aura pas d’mal vu l’état dans lequel il se met à chaque fois qu’il s’éclipse chez son éditrice. est-ce qu’ils boivent tant que ça ? il s’penche pour l’embrasser mikey - mais il l’fait pas.
- j’ai quoi si j’gagne ? non, il a pas l’ombre d’un doute. pas sûr qu’ils boivent autant au japon qu’aux états-unis. il a jamais fait un weekend d’intégration nana - il est juste adorable de constater qu’il continue de dormir sur le palier de sa porte quand il déboule ivre mort.
il s’assoit, en face. mauvais western. il lui sert une tequila à nana. puis de l’umeshu qu’il scrute centilitre après centilitre. - j’suis peut-être bien allergique aux prunes et j’le sais pas.

encore ce petit rade -
déclaration de guerre sans les blessures, le baiser qui se fait pas, qui se feinte - qui le laisse sur sa faim. et nana qui continue de sourire, la fierté qui s'immisce en étandard - prêt à le dégoûter avant même qu'il ait posé les lèvres sur la liqueur. papillonnement de cils, c'est qu'il a jamais vu tokyo dans sa forme la plus nocturne, c'est qu'il a jamais vu les nuits éternelles qui laisse aux hommes la possibilité de sortir qu'en ayant une mine pitoyable. c'est que boire c'est une religion, c'est un passage obligatoire pour les jeunots qui veulent devenir hommes - c'est que ça vaut pas le coup de payer une bouteille si c'est juste pour planer gentiment à quelques centimètres du béton. faut monter, monter, puis violemment se tauler - ça laisse des ecchymoses ici ou là, qui se terminent au pinceau.
- c'que tu veux. l'est pas bien chiant nana sur ce qui se gagne, ce qui se gagne pas - l'est prêt à pas broncher s'il est le grand vainqueur à qui on lève le bras dans l'air, dont on scande le nom jusqu'à ce que le public le répète des jours durant. puis si t'es allergique, ma foi, ce fut un honneur de te connaître, mikey.
clin d'oeil à l'appui, plus moqueur que dans une quelconque tentative de charme. inspiration profonde, doigts qui pianotent sur le verre de téquila - non, vraiment, ça passe pas, c'est infecte même à l'odeur. il se l'enfile quand même, ferme les yeux très fort - ça passe définitivement pas. il repose le verre - secoue la tête.

- ça devrait être interdit.
il racle le fond de sa gorge.
- non vraiment, j'ai jamais bu aussi - c'est une tentative de meurtre. ça désinfecte, ça fait des trous dans sa jugulaire - l'umeshu vient à suivre sans problème, pas de tirage de gueule cette fois. coup de menton dans l'air - alors qu'il le sert, ça va pas tarder à tourner.

- allez, cul sec.

il aurait préféré un rouge amarante de la côte ouest - un whisky ou même de la vodka. mais de toutes les bouteilles, il avait précisément choisi cette bouteille pour voir cette grimace de dégoût. et il avait pas complètement merdé faut croire. y a ce sourire amusé. - et c’est que le premier ! il y a bien un moment où il va mourir nana, s’éclater contre son épaule ou tituber comme une popstar des années 90. ça serait présomptueux de dire qu’il va gagner - parce qu’il a jamais bu d’umeshu d’sa vie. - si j’meurs t’auras ma mort sur la conscience j’espère, c’est le minimum. il fait qu’une seule prise - il goûte pas, il le vomit dans l’regard qu’il jette pour nana ensuite, il y a un peu moins d’amour qu’hier sûrement.
il repose lentement son verre mikey, pas certain de pouvoir enchaîner dans la foulée avec autre chose. - j’ai juste envie de manger du chocolat pour faire passer l’goût. dé-gueu-lasse. ou des chips au paprika. ou une énorme biscotte de pâte à tartiner choco-noisettes. et c’est là, à cet instant précis, qu’il regrette d’avoir pris d’la téquila plutôt qu’autre chose; parce que ça l’emmerde aussi. bon, t’as fait quoi d’intéressant aujourd’hui ? il fait la conversation mikey - descend lentement mais sûrement son deuxième verre. qui passe pas beaucoup mieux qu’le premier. il s’demande déjà combien ça va lui coûter ou s’il ne ferait pas mieux d’abandonner pendant qu’il est encore temps. avant que la défaite ne devienne amère. c’est con, mais sa fierté lui demande la tête de nana. sa fierté, elle peut pas envisager l’inverse ou le pire. de ramper lamentablement sur le parquet en attendant que ça passe. y a la prune qui reste accrochée à son palais, trop fort, comme le pire chef de guerre. il a déjà la gerbe.

- j’ai envie de vomir déjà.

encore ce petit rade -
- honnêtement ? pas envie qu'on se vomisse mutuellement dessus.
parce que mikey il vient de se bouffer un retour de flammes qui l'a fait devenir tout blanc - couleur lavabo au bas mot. alors sans crier gare, nana se redresse, alors sans crier gare, nana inspire profondément, regarde devant lui - cherche sur le bar de quoi au moins faire un peu passer le goût, y'a la bouteille de flotte à peine entamée qui fait de l'oeil, il se dirige vers elle, la prend. il revient en buvant une gorgée - c'est pas fameux, ça passe déjà bien, ça enlève les tâches profondément creusées dans son palais. il se repose, assis en bouddha, la pose sur la table basse alors que des frissons repassent dans sa nuque. il est pas prêt son corps à reprendre dans ses bras la téquila. il remplit les verres, fronce un peu les sourcils.
- j'ai continué ma nouvelle série. je m'suis essayé à la peinture, ce qui a pas été un très franc succès mais c'est pas une catastrophe non plus. tête un peu baissée, y'a ses lunettes qui lui tombent sur le bout du nez, veulent pas rester dans sa tignasse en bordel. en reposant les bouteilles, il glisse son doigt sur l'extrémité, les remontent jusqu'à ses billes noires. y regarde la téquila - ah putain. cul sec, sa caboche retombe à nouveau, il accroche sa main au rebord du meuble.

ah. pu. tain.

ça tombe dans l'estomac comme une bombe dans une rivière - ça fait des jets. bouche ) moitié ouvert qui pousse un profond soupir - joues qui commencent à chauffer sous les vertus incroyables de l'alcool en trop grande quantité, ou trop fort pour s'y confronter, il redresse sa colonne, tout sourire nana.
- toi ?
parce que ça l'intéresse quand même pas mal, parce que faut bien se préoccuper de l'autre - la base d'une relation a priori stable, sans pour autant être emmerdante. l'umeshu passe en second - il fait pianoter ses doigts sur la table, ferme les yeux. il gerbera pas. il jure qu'il vomira pas - pas devant mikey, pas aujourd'hui, c'est un coup à mettre un uppercut à sa fierté. alors il continue de sourire - parce que ça monte, parce que ça le rend bêtement heureux.

- t'as qu'à te rabattre sur la téquila. j'termine l'umeshu tout seul.
y se marre - c'est quand même fabuleux la tronche qu'il tire, mikey, c'est quand même incroyable, un truc qui restera pas, ou qui restera, ça il sait pas. y se marre - encore un peu, en retenant le tout pour que ça se transforme pas en hilarité, il se fout de la gueule de personne - c'est même pas nerveux, juste automatique.

ah, ça devient coton.

même l’eau dans la bouteille, même le vide de la bouteille, à l’intérieur. il essaie mikey, d’évaluer combien de centilitres il reste. combien il peut encore en boire avant de d’écrouler dans le désert. combien de centimètres cubes il y a autour de lui, puis dehors. si il s’est lavé les cheveux ce matin et avec quel shampoing. l’eau elle fait des vagues quand il se donne du répit nana. y a de quoi faire tanguer son horizon, mettre de la gouache sur de petites palettes en plastique. ou sur ses fringues, c’est bien aussi. il regarde d’un peu plus près la bouteille de flotte. ses ongles grattent l’emballage tout autour alors qu’il soupire en voyant le verre se remplir de nouveau.
- c’est quand tu m’fais un tatouage dans le dos ? il pose un coude sur la table, fait un sourire pas aussi fin qu’il le voudrait avant d’se pencher au-dessus de la liqueur ambre. il en profite mikey, tant qu’ils parlent peintures et dessins. c’est rarement lui qui lance ces conversations. (jamais) mais il oublie pas une promesse, même celles faites sous les draps avant d’éteindre toutes les lumières. ni même celles faites en balançant ses fringues n’importe où à travers la pièce. il oublie pas, il sélectionne les informations les plus pertinentes pour les balancer aux moments opportuns. il boit, il vide, et il fait la gueule. il s’fait justice pour enchaîner aussi vite un shot de téquila. pour s’improviser mauvais barman. il en fout à côté, rien qu’un peu, exprès. il prend un troisième shot d’umeshu mikey. il fait l’malin en levant son verre. il fait l’malin quand il remplit.
- j’ai préparé le prochain match. larry s’est pété l’coude, j’ai plus personne pour ma deuxième base et ça m’prend la tête. il s’arrête en souriant, imite le bruit du sèche-mains. bref.
- je m’en lave les mains. t’as compris la blague nana ? il regarde son verre vide. allez, ça m’fait plaisir c’est ma tournée. et non, tu bois ta téquila, c’est le deal. il remplit son verre, subtilise ses lunettes du bout des doigts. il fait l’échange mikey, remonte sa monture. il cligne des yeux, fixe nana en riant. - ah mais t’es aveugle au fait.

encore ce petit rade -
c'est que mikey se la joue bon seigneur, c'est qu'il en balance des bonnes et des moins bonnes - c'est qu'il en rajoute une couche avec sa dégaine d'homme trop confiant, avec son sourire foireux, son sourire crétin, son sourire qui fait flancher un pauvre coeur en éponge qui prend tout ce qu'on lui donne. nana il a plus les idées claires, nana il sent l'ivresse qui vient défoncer sa porte, qui se tape l'incruste dans son salon et se met à danser sans lui laisser le temps de comprendre ce qui vient de débouler. pire qu'une tempête - un armaggedon. il se mord la lèvre, si fort qu'il pourrait sans doute la faire exploser, faire claquer quelques veines, effusion sanguine qui aurait de quoi dégoûter - faire vraiment gerber cette fois. il papillonne des cils, il se retient de toute son âme de se marrer - ah ça devient compliqué, ah c'est que ses membres s'endorment, c'est qu'il plane à presque mille. c'est que l'umeshu et la téquila, c'était un mauvais cocktail - il secoue la tête, il a plus envie. ou si. il doit, il doit parce que sortir perdant ce serait de quoi s'enfoncer une lame dans les tripes en attendant que la mort se décide enfin à le faucher.

le verre est à nouveau remplit.
de tout son être, il le jure,
il veut pas ressasser la vanne.
puis l'échange de lunettes, c'est le pompon.
le pompon qui pomponne et qui se balance fièrement.

téquila, troisième verre - c'est le moment précis où il fait un retour à la phrase, le moment précis où il s'étouffe à moitié avec l'alcool, où la moitié tombe sur son tee-shirt.
- merde putaaaaaaaaaaaaaaain, meeerde mais meeeeeeerde. il arrive encore à jurer en anglais - il se marre, se marre si fort nana, ça lui décoche presque la mâchoire.

- elle est nulle, je te jure qu'elle est nulle mais si nulle mais - il débite, il débite sans trop comprendre ce qu'il dit, il tombe en arrière - au sens le plus littéraire, en se tenant l'estomac. jambes pliées - c'est la loose.

- j'suis pas aveugle. mais j'sens la téquila, aah. ça s'entrecoupe d'un rire. j'ai pas perdu. iie. dos qu'il remonte en galérant - il en bave. il fronce les sourcils, joues qui continuent de chauffer - pour peu il se sentirait débile.

- je tiens très bien.
faux. c'était pas le bon plan.

il voit toujours rien,
mais il l’impression d’entendre moins bien aussi, que le sol bouge bizarrement quand il ne le regarde pas. qu’il se fout d’sa gueule quand il porte son attention autre part comme sur le cerclage des lunettes de nana qu’il distingue pas vraiment. il louche. nana rit pas; il s’dit qu’il a pas compris. que c’est dommage. il entend distinctement le bruit du sèche-mains. il vide son verre, encore. il sent plus vraiment la prune. il sent le kiwi, la framboise ou le cheeseburger, tout et n’importe quoi. surtout n’importe quoi. il fixe le verre de nana, la téquila s’faire disperser dans un chaos imminent. il y a son rire qui bonbonne son rire mikey. qui fait oxygène dans l’brouillard. il a mal au bide, il a mal aux côtes.
- évidemment qu’elle est bien ma blague. il persiste, il creuse des portes, puis des fenêtres, puis de petits tunnels qu’il empruntera jamais. il boit au goulot la bouteille d’umeshu, se déplace lentement en se tenant le ventre. il sait pas si c’est l’alcool ou son subtile sens de l’humour. il sait juste que nana est étalée par terre au bout de trois verres ? quatre verres ? cinq verres ? plus ? moins ?

- attends, fait voir. il match ses lèvres contre les siennes, un peu à côté. un peu à gauche, puis trop à droite. pis il s’pince. il s’demande comment il fait pour être un manche pareil. oh, bah ouais, tu sens la téquila c’est curieux. il hausse les épaules, pose la bouteille sur la table avant d’étirer un sourire qui manque d’humilité.

il attend,
il le regarde galérer,
il se voit pas galérer lui, s’adosser contre les pieds du fauteuil.

tu tiens siiiii bien qu’on devrait faire du roller avec un casque anti soif. il imagine la scène, s’fout en boule à force de rire.
- t’as complètement perdu. il se sert un verre mikey, solennellement. il trinque d’agiter bientôt sa médaille à la barbe (inexistante) de nana.

encore ce petit rade -
tout est foireux dans l'histoire. l'idée était foireuse, les boissons sont foireuses, même le baiser de mikey est foireux - mais il se marre, il se marre quand même nana parce qu'il a pas le coeur à faire la gueule, parce que y'a pas de quoi se lancer dans de grosses larmes qui dépassent la taille d'un scarabée. il menace à chaque seconde de se bouffer pour la deuxième fois le plancher - il a perdu, il a tellement perdu qu'il refuse de l'admettre, il a beau recevoir aucune récompense, il en démord pas : la vie c'est qu'une grande injustice. il a mal à la mâchoire, au bide, un peu partout dans son corps anesthésié - inspiration profonde, c'est que ça devient dur de faire passer l'air dans ses poumons, qu'il arrive à faire le tour et ressortir par son nez. puis y'a mikey qui se la joue, mikey qui se la joue si fort qu'il va le regretter amèrement demain - il s'est enfilé plus d'umeshu qu'il le pensait. ça le surprend, ça l'assassine d'imaginer son état à venir.

- j'crois pas que je comprends tout. il a pigé roller, il a pigé casque - le reste c'est qu'un petit brouillard, parce qu'il pense trop fort aussi, que ça tape contre les parois de son crâne, ça se mélange, ça fait barbe-à-papa sous un soleil brûlant d'été.

- viens là. tu sais vraiment pas comment ça marche. parce que faut pas le laisser sur sa faim nana, parce qu'il passe sa main sur son col, qu'il le fait se pencher, qu'il scelle sa bouche à la sienne - il se loupe pas, il gère un peu mieux, nana. parce qu'il a l'habitude, parce que c'est pas le premier baiser sous les affres hilares - parce que ce sera pas le dernier non plus. il a le souffle qui s'enivre - il sourit. tu sens la prune et la téquila, c'est vraiment bizarre. ça l'empêche pas d'y revenir - de marmonner.

- j'ai pas... pff noon.
la défaite est amère - elle arrache la trachée.
- 'kay, 'kay, tu veux quoi alors. y se recule nana, lui laisse la possibilité de respirer - faudrait pas qu'il l'étouffe. ça tourne sous lui, ça tourne autour, ça tourne tout court - c'est le vertige.

- oui moi aussi je comprends tout. il balance de petits bouts de pain aux canards mikey, mais il y a personne sur le lac. il y a le dos qui se voûte un peu, les formes qui font d’étranges dessins. il trouve ça joli. il y a un filtre qui fait sauter le sens, les proportions, les hauteurs. il a l’impression de faire de nouveau un mètre douze, de passer facilement sous la table de la cuisine de sa grand-mère. de pouvoir y dessiner au marqueur impunément. c’est sûrement là-dessous qu’il a mis un terme à sa carrière d’artiste mikey, en 86. pourtant ça y ressemble à s’y méprendre, c’est moins compliqué et les traits sont plus durs. c’est moins compliqué, ça fait gribouillage de gosse. ça fait cinq sur vingt sur la copie parce que personne y pige que dalle. pourtant il l’a juré, cent fois, c’était un soleil allume-feu. de la foudre volcanique. des nuages lenticulaires. des fleurs de glaces dans un champ de coton. le monstre de son placard. pourquoi il dessinerait, ce qu’il voit très clairement ? il était bien là. sous ses lanternes qui font trompe-l’œil à la surface de l’étang. il était bien là, avec nana. à mal embrasser. à dégouliner d’alcool jusqu’au menton. y a pas à dire c’était beau. un peu moins conduit, il a le sourire imbécile. il a le rouge aux joues aussi, comme un gosse. il passe sa main sur la sienne, décroche le grappin des hauteurs, jette les pierres du sommet de l’everest. il s’redresse un peu, fixe nana sous d’autres planètes qui n’existent même pas. - merci captain obvious. il passe sa langue sur sa lippe mikey; un peu désarçonné, façon chevalier sur fond vert.
- qu’est-ce que je veux ? bonne question, il y a des tas de trucs qu’il veut mikey. des trucs débiles pour la plupart. des trucs ennuyeux dont il a pas vraiment besoin. alors il anticipe. il fait caprice la main sur sa cuisse. casse-tête qui vient agrafer ses lèvres sur le cou de nana avec envie. reste là demain soir. demain ça tombait mal. demain c’était la soirée des grands projets qui sont couleurs. qui font lumière dans sa pochette et qui rayonnent dans d’autres yeux que les siens.

encore ce petit rade -
la voix,
les yeux,
les mains,
les lèvres.

tout ça qui s'emboîte, y'a comme des relents amoureux qui lui tiraillent les artères du coeur - y s'est fait une place quelque part pas loin mikey, à l'en rendre taré, c'est si bien incrusté qu'il se sait incapable de l'en retirer. c'est pas parasite - c'une prothèse supplémentaire pour faire face, se redresser un peu mieux, regarde plus haut aussi. il a le sourire qui se fige, dévoile les pommettes rougeoyantes - se laisse porter, emporter, il a le corps marionnette prêt à se faire manipuler. il sent même pousser les fils, nana, au bout de ses ongles, jusqu'à ses talons.

- hm... tentative de revenir dans la clairvoyance la plus nette, il a pas de boule de cristal nana sur laquelle se pencher - de toute façon l'a pas les bonnes origines pour la jouer irma dans sa roulotte dorée. il souffle un peu plus bas - la peau qui se prend des coups de jus à chaque baiser qui s'échoue. matte...

demain soir.
demain soir.
- eeeeh. j'ai un rendez-vous d'main soir... ah mais si. siiii. il sait plus avec qui. il sait quand, à quelle heure exactement. mais il sait plus avec qui - il en fronce les sourcils, y'a quand même ses bras qui s'enroulent autour de la nuque de mikey, il se niche, il s'y perche. j'peux pas... ou si. mais hm - dōshite... pourquoi tu d'mandes ça, j'peux être là les autres soirs, et les autres et beaucoup d'autres -

il se répète, il tourne en rond, il se la joue balle en plastique qui rebondit contre les murs avant de mollement se perdre sous le pieu poussiéreux. y'a encore l'album de TANUKI qui s'érige en bande originale. il serre, serre, serre nana - comme si ça suffisait jamais assez.
- toutes les autres soirées, nuits, jours... j'oublie le matin j'crois. y se remet à rire - temps normal il se sentirait crétin. là il ressent tout trop fort - trop vite, c'est une descente dans un grand huit, ça coupe la peur et le doute. y claque un baiser nana, sur la tempe, ça descend sur la joue, ça cherche la moindre parcelle propice à ses envies. t'as perdu en même temps qu'moiiii.

non, définitivement,
il veut pas s'avouer vaincu.

il a découvert une nouvelle planète, perché au sommet du plus vieux chêne nana. si vieux qu’il y a plus rien de bien extraordinaire qui vaille la peine d’être découvert une deuxième fois. nana c’est son nouveau continent à explorer. sur nana il y a les doigts qui s’endorment, puis d’autres qui réveillent au saut du lit. d’autres qui le traînent dehors pour faire du sport le dimanche matin. d’autres qui s’font plus transparents sous la couette. il l’entend, il le voit, aller à droite, puis à gauche. faire détourner tous les avions du ciel. ça met son p’tit monde en panique. agiter les signaux de fumée qui font cracher les poumons. il redescend pas mikey, même si ça tire sur sa nuque. même si ça l’extirpe de la piste aux étoiles. il dépose un dernier baiser sur sa mâchoire.
il se souvient trop bien nana, il a pas encore la gueule en vrac nana. alors il penche son bras jusqu’à la bouteille mikey - d’autres soirs. d’autres nuits. d’autres matins. il fait la moue, boudeuse. de dépit. de j’vais continuer à boire pour fêter les autres soirs, les autres nuits et les autres matins.
un baiser là pour les soirs, un baiser là pour les nuits, un baiser là pour les matins.
- tu mens, le matin tu dors c’est quasi impossible d’te tirer du lit. il s’laisse faire quand même mikey, il s’laisse toujours faire quand il y a nana qui prend l’espace. mais il décroche pas un sourire, il est soucieux, pas trop là. et puis il fronce les sourcils. - qu’est-ce que tu racontes ? bien sûr que j’ai gagné. on peut la refaire cent fois, que je gagne. on peut faire tous les jeux que tu veux. tu finiras par terre ou à poil en premier. il y est confiant, un poil prétentieux quand on le cherche mikey - il faut toujours qu’il gagne tout comme si on allait lui donner une coupe ou une médaille à la fin.

encore ce petit rade -
c'un foutu lierre, c'un virus qui ressemble pas à grand-chose au départ. puis ça s'étale, puis ça bouffe tout le reste, puis ça atteint le vital - ça possède. nana c'est plus une place qu'il s'est fait à ce stade, nana il s'est tapé l'incruste là où on voulait bien de lui à défaut de rester entre ses quatre murs - parce que dans le fond, il doit pas tant les aimer que ça, parce que dans le fond il a comme le mal de vie quand il y reste trop longtemps. chez lui pas trop chez lui, pas de sensation de véritable appartenance, pas vraiment un crève coeur quand il a quitté le sien en plein centre de tokyo - passe son temps à migrer nana, sans pouvoir s'accrocher à une branche solide, elle casse, elle éclate. l'a toujours attendu son éclatement de tête contre les pavés - ou le noir tout complet après avoir regardé indéfiniment le vide, y'a quelque chose qui attire vers le bas, y'a quelque chose d'anti-poétique et dramatique qui se trame. il continue de sourire, roule des yeux avant de lâcher mikey, il se laisse mollement tomber en arrière, dos qui préfère s'acoquiner d'un sol plat. genoux pliés, y'a sa main qui glisse dans ses cheveux ode au charbon.
- wakarimasen... je raconte c'qui passe dans ma tête. y'a qu'un coup de vent qui claque la porte, y'a une chanson qu'il invente, y'a des images colorées qui se font flinguer par de la javel lancée comme un jet de rébellion, y'a des idioties, y'a du vrai, y'a des grandes dents qui menacent de bouffer, y'a tout se mêle - c'un miasme de concepts qui entrent en collision. je t'aime trop vite, et trop fort aussi. y'a chaque mot qui se prononce lentement, c'est un accident de bagnoles au ralenti - y'a le temps, pas le temps de réaliser aussi. paupières closes. il recommence à rire - c'est de la lave en fusion nana.

- atsui desu ne. la faute aux verres, la faute au cap ou pas cap, la faute au retour trop brutal aux années dorées. l'a pas le courage d'enlever son tee-shirt. nooon mais - d'accord, j'ai perdu, j'suis tombé le premier. mais j'suis pas nu donc j'ai perdu qu'à moitié.
l'a encore les doigts emmêlés dans sa tignasse.
- là mon corps veut pas se lever pour que j'puisse te faire perdre à moitié. soupir, injustice. y zieute le plafond. plus jamais téquila, jamaaais. et t'as pas dit pourquoi tu d'mandais ça.

il dégringole pas comme il voudrait; le moteur plante un peu, il est pas (encore) dedans mikey -
ça emprunte pas des chemins pavés d’or et de lumière. ça croise ni le fer ni l’épée dans l’fond de son crâne. mais il a ce sourire, ce faux sourire gêné qui fait trop sérieux. qui est soucieux. qui débattrait toute la nuit à propos d’existentialisme et de métaphysique. des siècles qui sont morts, des peintures qui jaunissent dans les musées. des images qu’on ne regardent plus, sous prétexte que c’est pas filmé en 4K. il cause nana, il en dit trop ou pas assez. il fait l’ouverture, l’entracte et la fin. dénude le fil avec l’impatience d’un gosse. coupe l’action de mots tranchants. l’insulte qu’il ne connait pas encore.
- attends, arrêtes. ça fait pas virevolter les éclairs du ciel. il a la voix plus basse mikey, la main qui trépasse sur son bas-ventre puis sur les abdos qu’il a plus depuis des années. qui fuit le tissu avec orgueil. il capte plus vraiment l’heure qu’il est, il sait juste que sa tête lui semble étonnamment lourde et proche du sol. plus proche du sol que d’habitude. il rit un peu, complice de tout, partant pour tout. je t’aime plus fort, je t’aime si fort que j’vais t’acheter un château. et j’cultiverai du vin, et on l’appellera nana. et t’auras une armée de chiens parce que quand j’bois je dis oui à tout. ou il frappe, ou il hurle, ou il claque les portes de la maison à en faire trembler les murs. c’est jamais gris quand mikey se noie dans autre chose qu’un verre d’eau. alors il provoque un peu plus, il cale ses genoux entre ses côtes. califourchon qui s’écrase piteusement. - de 1) t’es pas nu pour l’instant, de 2) t’es pas prêt d’te relever. donc on peut complètement l’dire: youuu looseee. il fait la voix du méchant dans les jeux vidéos, puis il s’marre. il a le A au cul tout en faisant du 220 km/h.

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