retour IRL (marvin, nana)

il y a dans son sourire, un crève-cœur. c’est une bonne nouvelle, c’est une très bonne nouvelle. il y connait que dalle mikey, ça fait longtemps qu’il est claustrophobe. nana, il va s’vider une cartouche avant d’envisager d’aller à s’colloque. là y a l'excitation d’avoir son nom et son prénom quelque part, sur un poster, une brochure ou un flyer. orthographiés correctement. l’truc qui rend un minimum vaniteux. c’est normal. il est passé par là mikey, le public qui s’enthousiasme, l’adrénaline qui cogne comme un très bon beat dans la poitrine. y sait pas trop ce que ça vaut les travaux de nana; il a jamais demandé. il s’y est pas intéressé plus que ça, l’art c’est pas son truc. pour l’art, faut voir avec la porte d’à côté, chez marvin. mikey, il s’en fout. il dessine encore avec des bâtons comme s’il avait six ans. il fait de très beaux schémas, mais tout le monde s’en fout. y a rien d’mieux à proposer dans son crayon, dans son poignée qui se casse comme un gaucher. il peut bien être ambidextre mikey, pour le peu que ça lui sert. il fait reflet, son visage. miroir qui s’rafistole à la glu. magnifique. pourtant y a pas d’aigreur qui s’immisce, il fait le homerun parfait il parait. championnat, coupe, toute cette merde est pas simple. est-ce qu’il doit ouvrir un champagne ? grand millésime ? est-ce qu’il doit encore étaler son fric à tout bout d’champ ? c’était logique. logique qu’il avait tout autre chose en tête aussi. y avait pas d’gueule de bois ce soir. et mikey, il a ce sourire mi-fier mi-crétin. mikey, il était déjà sur un autotune de INXS. il le prend dans ses bras, nana. il aurait aimé lui proposer une virée en bateau mais, ça lui semble aussi surfait que risible maintenant. profondément chiant. plan-plan.
- peut-être bien que j’viendrai. c’est pas peut-être, c’est sûr. si tu m’fais voir c’que tu fais. pas envie d’se sentir plus con qu’un autre sur la piste de danse. il a des beaux costumes mikey, il sait juste pas comment les porter. lèvres qui se claquent là où il faut, chemin de terre qu’il pourrait emprunter toute la nuit. il pourrait boire les bulles au goulot, caler ses mains sur d’autres dessins mais sur un seul dos. toucher les os, broyer les muscles. transpirer autrement. peu importe où, mais maintenant. mikey faut qui s’penche un peu, faut qu’il continue, qu’il touche la peau sous le tissu. qu’il torde le tissu à défaut de pouvoir l’arracher. ça l’emmerde, un peu. nana, faudrait pouvoir l’porter sur le toit du monde, lui faire toucher les dalles du plafond. il s’demande s’il pourrait mikey, sans s'casser la tronche. peut-être bien que c'est un rêveur. peut-être qu'il mate trop d'pornos après minuit.  

yosh:

sa gamine qui monte les escaliers avec un boucan affolant. elle l'appelle. non, elle crie. ça fait crisper marvin en regardant son dessin se foutre en l'air pour un coup de crayon en trop. elle lui arrache les tympans en ouvrant la porte à la voilée. elle s'agite avec son sourire. ce doux sourire. elle saute, elle tourne autour de la chaise, elle s'agenouille même, les deux mains pour prier. les yeux doux, les cils qui papillonnes. son cœur fond, son cerveau gobe ce tableau d'un coup d’œil. oui. oui elle peut passer la nuit dehors. oui elle peut prendre son télescope pour aller checker les étoiles ce soir. oui elle peut sourire autant qu'elle le voudra, tant qu'il est là pour en profiter. elle est déjà partit. son sac à dos sur l'épaule, à se trimballer de pièce en pièce pour prendre tout le nécessaire. de la fenêtre, il lui gueule de faire attention. de penser à lui. de prendre des photos. de lui ramener un souvenir, de son voyage au bout de la rue. pour toute réponse, il se contentera d'un pouce en l'air. d'un sourire. et de la voix mélodieuse, "reste pas tout seul, va chez mikey ce soir!" chuchotant à ses pensées qu'elle a raison. qu'il fera une pause sur ses dessins pour aujourd'hui. referme son travail pour la soirée. il se prélasse dans sa maison. cette grande maison, trop grande pour lui tout seul. il prend son temps. chope une bouteille qui se videra devant un feuilleton ce soir. avec le grand mikey à côté. à juger tout et rien. le monde, les voisins, se raconter les ragots en sirotant un cosmo sur le perron.
ça sert plus à rien de sonner. qu'il sorte de la douche en serviette, qu'il se mate un porno sur le câble, qu'il vienne de cramer toute sa cuisine. c'est banal chez les deux voisins. plus rien à étonner. ils ont escaladés la guerre à eux tout seul. deux vieux soldats à manger petit pois devant film en noir et blanc. mais il ouvre la porte avec étonnement. y'a la musique qui résonne. alors que c'est souvent silencieux ici. y'a des affaires qui sont trop bien rangés. la lumière elle passe que trop facilement à travers les fenêtres. y'a une odeur de bonheur dans cette baraque. ça le titille. ça le fait sourire. il fait pas de bruit. il avance. sans que ses pieds ne touchent le sol. il connait les lames de parquets fragiles. fantôme en débrouille, y'a sa tête qui croise un chemin d'porte. ses yeux s'étonnent. un rire voudrait sortir. il se retient. mais son sourire s'affiche bêta. merde alors. il reconnait la taille haute de mikey. ses mains d'ogres. ses cheveux en batailles. baisers langoureux. des mains qui s'affairent à des envies magiques. marvin se marre dans son coin. il aime sa fille, j'suis sur qu'elle l'avait ressentit.
- t’arrive à choper son chewing-gum, ou t'as besoin d'aide p't'être?
il pose sa bouteille en la faisant claquer contre le meuble. la main sur la taille et le regard brillant. puis y'a ce truc. ce petit quelque chose qui quitte pas la gueule de marvin. son putain de sourire. vieux de dix ans. son sourire qui s'agrandit en voyant la tête du voleur de chewing-gum.
- merde. attends. nana, c'est ça?
et ça claque des doigts en riant. parce que voir la tête de mikey, ainsi, là, collé comme ça, c'est capturé dans sa cervelle pour toujours.

y'a trop, trop d'un coup pour que ça s'exprime pas, y'a trop, trop d'un coup et la souffle court qui percute, qui se mélange à un autre. y'a le ventre qui se creuse, y'a la chaleur qui fait qu'un tour jusqu'au bout de ses doigts, qui chopent, qu'attrapent, qui se faufilent. y'a la bouche aussi, baladeuse, qui vrille dans le cou. y'a comme un surplus qui demande à s'extérioriser, y'a comme l'attente qui veut plus exister - alors il s'y plaît, nana, à faire ce qu'il connaît, à faire le corps accord et laisser rougir les joues. y'a que mikey dans sa ligne de mire, y'a que mikey pour tout faire claquer de l'intérieur, façon élastique qui enfin pète sur le poignet à force d'avoir été trop étiré. ça fait un peu mal, ça fait un peu drôle aussi de plus avoir de quoi évacuer le stress. tant pis parce qu'il pense pas, tant pis parce que ça devient mécanique, ça fait ballet improvisé qui laisse plus place à la causette - y'a du bon sentiment, sans doute, y'a de l'envie au complet, parce que ça le tannait, parce que ça se voulait et qu'y'avait cette bonne excuse pour se laisser emporter. ça prend place au mur - où y'a de quoi faire dans ce salon trop grand. y'a les mains la taille, ça remonte, ça dégage quelques boutons de la chemise, ça fait combat de mauvaises langues - y'a de quoi s'entredévorer, pour rattraper ce qui a pas été fait. l'a la dalle, l'a les crocs.

puis ça le réveille, puis ça le sort de la torpeur, puis ça fait retomber la tension d'un grand coup - y se dit un instant, nana, que y'a un meuble qui s'est sans doute cassé la gueule, puis y'a le remarque, la tonalité de la voix. c'est pas inconnu, c'est pas anodin, alors il relâche, y'a les épaules qui s'affaissent un peu, les sourcils qui se froncent. l'est pas sûr de comprendre, d'avoir fait bien le tri dans ce qui se fait là, sur l'instant. n'empêche que quand il tourne la tête, ça devient évident. tignasse blonde, yeux bleus - le parfait attirail de l'européen qui se la joue grand homme - et contrairement à l'autre fois, un sourire qui fend ses joues. il peine à reprendre son air - il inspire quand même profondément, nana.

putain fait chier.

il sait pas ce qu'il fout là, il a même pas l'idée de demander la logique dans ce qui devient un bordel - et une mise à feu des plans de soirée. s'envoyer en l'air, goûter l'atmosphère - y vient de se prendre un uppercut bien placé, ça a fait claquer sa mâchoire, pire que des osselets.
- ça dépend, t'es partisan des plans à trois marvin ? sinon, non. pousse un soupir, laisse un peu tomber sa tête en arrière - il enrage qu'à moitié, y'a le noeud dans son estomac qui se défait pas, il se marre un poil dépité. et c'est ça.
hochement de tête, quasi tenté de l'applaudir, il se retient, se recule d'un pas - maintenant que c'est flingué, y'a plus que les restes à récupérer. l'est encore sapé, nana, y'a rien à cacher - et de toute manière, même pas sûr qu'il aurait été touché par la pudeur. il jette un oeil vers la bouteille, sourcils qui se haussent, rictus qui se dessine au pinceau noir alors qu'il donne un petit coup de menton dans le vide pour la désigner.

- t'aurais pas dû, t'es vraiment une belle âme.

il comprend pas, il fait toujours pas le clair,
il fait pas les liens dans les cellules nerveuses -
l'est même pas assez fracassé par la gravité pour poser les bonnes questions.

bordel de merde, tu fous quoi ici.

y a quelque chose qui crisse dans son foutu tableau idyllique. non parce que ça fait trop longtemps qu’il attendait mikey, qu’il y avait rage et frustration injectés directement par intraveineuse depuis deux jours. ce soir c’était bien. ce soir il allait penser à que dalle. toucher l’fond. oublier la merde qu’il peut pas s’empêcher d’racler comme un saint-bernard. poubelle de table qui s’est rêvée benne à ordures. il est plus tout à fait lucide mikey, il s’en fout. il sent sa bouche qui se tord mais pas le bruit louche et entêté qui vient rompre le silence. il continue à être sourd, à faire semblant. il s’enlise pour pas lever les yeux; pas envie de voir la tronche de marvin ce soir. il le savait déjà, que c’était tout sauf le bon moment, ce con. ça s’dégénère pas comme il voudrait. ça dégénère pas comme il voudrait parce qu’il a une demi-molle dans son futal et que ça l’emmerde. il lâche un soupir vaincu, dévisage marvin avec curiosité. il a ce sourire, énervant, des bons jours. y avait pas besoin de partager ça ce soir, ni une bouteille, ni un roulé dans un château. veut offenser personne mikey, fait pas les présentations pour autant. il attend l’déluge, rengaine qui fait mauvais film de genre. s’redresse, débarqué depuis l’salut du p’tit jésus. merde. pourquoi ils s’causent, échaudés. ça percute pas, il a les pieds dans la flotte et y a plus de poiscaille entre les vagues. seulement d’la merde et des bouts d’plastique à s’prendre en pleine gorge. s’demande où on va lui d’mander son avis dans la discussion. si faudrait pas un signe distinctif, un pot d’fleurs desséchés devant l’perron pour éloigner les oiseaux de mauvaise augure (marvin).
il frôle les doigts de nana avant de rompre le contact. j’vois que vous vous connaissez, c’est cool. pas vraiment, mais son narguilé manque d’air. faut pas longtemps avant qu’il ne cale ses doigts dans le dos de marvin, c’est pas la même chaleur, pas la même détresse lancinante. ça taraude pas son esprit. il prend la bouteille, lit entre les lignes, ça pourrait être d’la piquette que ça lui ferait le même effet: il s’en fout. ton timing est vraiment pas dingue. voix basse, il continue à fixer l’étiquetage mikey, à déchiffrer les évidences. capte ni le sarcasme, ni l’ironie dans la voix de nana. il chope trois verres. sert des équivalences au millilitres près. autant boire après tout. autant sauter la partie toast. il boit d’un coup. pose, dépose, sourit nerveusement. marvin ? c’est la plus belle âme que j’connaisse. même si elle prend l’ombre souvent, si elle fait chuter la température d’une pièce. comme maintenant. il pourrait pas s’foutre autre part qu’à côté de chez lui, vivre dans un nouvel endroit, quitter la seule routine qu’il est en mesure d’apprécier.  

comme un enfant le matin de noël. il se penche pour regarder les cadeaux apportés par le père noël. et t'as les parents derrière. qui haïsse ce matin de vacance si tôt. pense au fric qu'ils ont dépensés dans des cadeaux qui dureront à peine deux semaines. marvin il tourne autour du sapin en déchirant les papiers cadeaux. un grand sourire aux lèvres, le bonheur qui remplit ses joues d'avoir été gâté ainsi. les parents se contentent de voir le plaisir dans les yeux de leur gosse (mais entre nous) [noël, c'est la plus grande arnaque au monde]. c'est l'impression qui frissonne ses fossettes. regarder mikey et nana. gâché par l'entrée du gosse. trop heureux. trop content d'être là quand il ne faut pas. on a nana qui répondu du tac au tac. mikey, qui, frustré, tente vraiment de ne pas y voir grand chose. il aurait pu faire demi-tour. mentir de n'avoir rien vu. de n'avoir jamais été là. se bander les yeux et jouer seul à colin-maillard dans la cour.  mais c'est mal le connaître. dès que ses pieds ont touchés le sol. il pouvait plus faire marche arrière. collé au parquet. muet de retour arrière. et puis, s'ils ne peuvent pas le faire là. ils le feront après son départ. dans deux heures. demain matin. ou même là, quand ils seront attablés à table. arf. ça arrache une grimace au gosse. il dérange marvin. il dérange sous son propre (second) toit. il voulait pas laisser nana profiter tout seul du bonheur de mikey. comme un comète qu'on rattrape au vol. c'est déjà planté bien profond dans son cœur, rattachant un minime plaisir à son âme. si minime que son sourire explose.
- on verra la bouteille une fois finit si je suis toujours partant ou pas. pour l'instant, l'invitation n'est pas refusée.
il plaisante. c'est pas son truc les mecs. il sait les reconnaître beau, joli, mignon, attachant et tout ce qu'on peu utiliser pour décrire le corps d'une personne. c'est juste pas son truc. il préfère les femmes. un dessin délicat qui se gribouille sous ses yeux. un super-pouvoir, s'il peu se le permettre. d'un regard, dessiner les traits au brouillon d'une personne. nana doit avoir le même. merde, il est moins unique d'un coup.
y'a la main de mikey dans son dos. il bouge pas. il sourcille pas. il s'offusque pas. c'est à peine s'il l'a remarque. il se contente de cracher un rire à la remarque du voisin. il boit l'amertume au goulot. et sa voix basse en rajoute une couche à ce sentiment d'étranger.
- j'te mentirais si j'disais qu'j'étais désolé.
ça serai plus que mentir. il se serait arraché la langue là, devant son public. son regard quitte pas celui de nana. il se demande si il est au courant. de qui, de quoi, de quand, du pourquoi du comment sa gueule figure dans le salon de son petit-ami. copain? juste ami? relaté pour une partie de jambe en l'air? il trouvera ce diminutif plus tard. il se contente de balayer ses yeux au ciel en écoutant la remarque de nana. bon samaritain qui a oublié ses bretelles dans le coffre de la voiture. l'autre grand dadais qui comprend pas la supercherie. ça lui donne le tournis. alors il se contente de boire son verre d'une traite. pour rejoindre l'autre déjà vide près d'la table.
- voyons donc, cessez les compliments j'en ai pas demandé autant. puis, hésitez pas à me dire si je dérange. je peux repartir direct.
il accompagne ses mots avec ce geste délicat. son cul qui se pose sur cette chaise tirée au préalable. qui viendrait le jeter à la porte? ambiance foutue pour foutue. autant s'arrêter là, ne pas nager dans le massacre. il ressert un verre à mik', s'en chope un par la même occasion.
- sans discrétion, vous vous connaissez d'où? si tu m'balances que t'es un fan de ses dessins mik, j'sais plus où me foutre.
v'là qu'il fait pas allusion au talent de nana. mais aux courbes dociles. fragiles. un peu pute sur certaine. l'image comète de mike prendre du plaisir sur des dessins pareils lui fait avaler son nouveau verre. voir même recracher. il joue avec la bouteille du bout des doigts. balançant un regard à droite à gauche. et ce putain de sourire à la con qui va se prendre une claque de mikey s'il ne s'efface pas gentiment. c'est naturel. faut en profiter. pour une fois qu'une étoile filante sort sous ces habits. 

l'est en hypothermie nana, c'est comme se prendre un choc thermique - l'était pas prêt, puis surtout il a pas signé pour ça. y'a marvin qui déboule comme une putain de fleur en pleine guerre nucléaire, signe d'espoir pour certains, signe de malchance pour d'autres - lui il va pas se concerter, pas envie de le comparer à quelques pétales qui rayonnent là où il a, visiblement, cessé de grandir. inspiration profonde, fulmine encore, il préfère se rabattre sur son paquet de clopes posé sur un plan de travail - il s'en sort une, écoute derrière lui les verres, les informations qui circulent. cigarette collée au bec, il l'allume d'un briquet bleu électrique, ouvre la fenêtre au passage - faudrait pas être malpoli, c'est pas chez lui ici. il reste pas loin de l'ouverture, adosse le bas de son dos à l'évier alors que ses sourcils continuent de se froncer, sourire du même gabarit qu'arrête pas de témoigner sa timide amertume.
- ça poserait problème ? non parce que, dis-moi si j'me trompe, t'as quand même repris certains d'mes dessins. il le considère pas comme un fan, mais au moins assez curieux pour se taper une reprise de pas mal de ses signatures - il avale profondément la fumée, roule des yeux, fixe le plafond quelques secondes avant de la recracher. totalement foiré, y'a aucun moyen de récupérer le frisbee lancé chez le voisin - y'a un moment faut s'avouer vaincu, même si dans la logique du combattant outre-mer, ce serait de s'infliger la mort. le bout du pouce calé entre les dents, il zieute les verres - y'en a un qui se vide plus que les autres, ça le surprend pas. et m'fais pas croire qu'avec quelques verres dans l'nez t'en serais capable, j'veux bien être con mais quand même. y'a pas vraiment de reproches, y'a rien de ce registre - ça reste calme, ça reste signé mori au pinceau sur le bas de la page, juste que ça sort en balle de ping pong envoyée trop rapidement dans le vent. y doit se défendre un peu - parce que paraît que rien vaut le coup, que son âme elle est dans ses dix doigts et qu'il vaut pas forcément plus qu'un autre. il se penche, tapote dans le vide pour faire tomber la cendre à l'extérieur - y'a une seconde dans sa tête où il se dit qu'il devrait demander à mikey, dans sa langue natale, s'il veut pas juste le foutre dehors pour reprendre le court fantasque des choses. il la boucle - marvin c'est pas totalement un parasite, faut dire qu'il le respecte un peu, assez pour avoir la jugeote de sourire.

- sans discrétion, tu fous quoi ici ?

il se laisse tomber de tout son poids, juste à côté d’la bouteille. y avait plus aucune raison de foutre marvin dehors maintenant. faut croire qu’il sait reconnaître une défaite quand il en voit une mikey. quand il mate de plus loin le cul de nana, ouaip, c’est carrément une défaite. il sirote son verre plus qu’il ne le boit, y a pas de quoi s’foutre une murge ce soir. et y aura pas non plus de plan à 3. il a pas attendu aussi longtemps mikey, pour avoir le sens du partage et de la fête. faut voir la gueule de marvin quand il lui roule une pelle mikey - ça dure pas longtemps. si marvin était un tant soit peu bisexuel, il serait le premier au courant. alors il relève pas, il s’dit seulement qu’il y a un truc qui lui échappe sans pouvoir mettre le doigt dessus. il décroche de nana quand il allume sa clope. oh, j’pense pas que tu sois autant désolé que moi t'façon. il finit son verre, nana a pas touché l’sien. il bronche pas; ça l’emmerde un peu. y a ses doigts qui pianotent contre le meuble, l’air frais du dehors qui éprouve sa chemise débraillée. l’a froid. y a un petit silence avant qu’il ne prenne sur lui de poser la question, de pas courir bêtement autour des couleurs qu’il ne voit pas.
- ils ont quoi ces dessins ? il claque son verre, s’enfonce un peu dans sa chaise en allongeant ses pieds. peut-être bien qu’il pourrait faire barrage routier, faudrait pas que nana se casse, non. il y avait forcément quelque chose. marvin, il a son sourire de con depuis trop d’temps - c’est pas normal. c’est pas normal mais ça l’ennuie atrocement mikey, ce concours de bites. les balles qui sifflent. la pelle qui creuse. il chope son téléphone, manque pas de lancer un jeu pour pas les déranger. pas l’intention d’se faire chier plus longtemps. faut bien attendre que sa wifi plante pour qu’il accorde quelques réponses.
- c’est mon voisin, et my best men. faut arrêter les compliments, il regarde nana, un peu perdu. qu’est-ce qu’il est censé dire sur nana ? poser un mot quand y en a des centaines. inventer un mensonge ? dire la vérité ? il a comme l’impression d’avoir huit ans de nouveau et d’avoir commis son premier méfait mikey. il peut pas cracher le morceau. que ça fait huit ans qui s’causent, l’air de rien. qu’il avait pas vu sa tronche avant récemment. très récemment. qu’il lui a dit je t’aime comme un gros canard. non, bien sûr que non. marvin, il s’foutrait de sa gueule pour l’éternité et même au-delà. dans toutes ses autres vies, il serait là. faut dire que d’habitude ça tournait plus court. entre cinq minutes et une heure pour s’choper un rendez-vous, un plan cul d’occasion ou non. mikey, c’est le genre de connard qui demande des nudes avant de prendre une décision. il pose son téléphone, se sert un verre, remplit celui de marvin, encore. ça fait longtemps qu’il est plus impressionné par sa descente vertigineuse au pays des emmerdeurs.
j’fais une émission télé. j’le demande en mariage. paf, ça fait un pic d’audience. ça va passer sur le câble, j’sais pas quand, sûrement après un autre programme de pédés. il sait pas trop où il va choper toutes ses conneries, doit y avoir un lymphome dans l’fond du crâne mikey pour inventer des trucs aussi cons. non, parce qu'il est quand même très fort pour trouver des putes et des pétasses pour l'accompagner ici et là à travers la ville. vendre l'image du pauvre playboy désabusé, dépressif et parfaitement hétéro. - j'vais écrire un bouquin. 'fin, il va m'écrire un bouquin.    

faudrait lui dire, ou lui claquer la gueule contre le bureau. pour être aussi névrosé qu'adorable, quelques litres d'alcools dans le sang. parce que ses yeux remarquent. fouinent à droite à gauche. espionne toutes les solutions possibles. les sorties les plus proches comme le dernier magasine qu'il a pu feuilleter. comme un tableau qu'il dessine dans sa tête. ses yeux transforment l'univers en un croquis en noir et blanc, parfois tâchés de crayons de couleurs parce que bambi met son brin d'air dessus. ou le crayon de mikey, qui dessine un regard fuyant. ou celui de nana qui dessine des voluptés de fumées grises. un tableau commun où chaque âme se ramène avec un crayon de sa couleur humeur. et là, marvin, il chope celui de mikey. son putain de crayon qui tente d'effacer marvin de la scène. ce crayon qui lui montre que ça le gave. qu'il en marre. des hauts levés au ciel au désintérêt construit quand nana et marvin s'envoie une balle en mousse brûlante. ça le fait souffler. ça le fait ralentir son rythme de sourire. il sens déjà la crampe arriver. alors il jette un regard fuyant sur son verre, grappe celui de nana. un sourire ancien. déjà fondu par le soleil claquant.
- c'était pour l'boulot, gamin. mais j'vois pas pourquoi tu les a pas montré à mik. ça te dérange si je?
il sort son portable de la poche (trop connecté)[la faute à bambi]. un sourcil remonté. un regard presque réconfortant sur le bout des cils. le crocodile range sa mâchoire. il recule lentement jusqu'à son étang. et il tourne, tourne, tourne autour de son précieux -mikey en l’occurrence. il sait bien que nana lui dira pas non. lui refusera pas en arrachant son portable des mains. ce que marvin ne se gêne pas de faire avec celui de mikey. un appel à l'eau de mer, coquillage contre son oreille, il lui gueule d'ouvrir les yeux. de le regarder nana. de le fixer dans les yeux. de remarquer l'échange avec d'autres personnes. de fusionner tous ses caractères différents en une seule personne. c'est con à dire comme ça. mais il aurait bien aimé qu'on lui fasse la même avec mathilda, qu'on décroche son regard de son décolleté plongeant pour la regarder dans les yeux. il est sur qu'à chaque regard croisé avec la vipère, il se transformera tôt ou tard en sculpture de pierre.
s'il aurait eu une longue chevelure, il se serait passé les mains dedans à l'approche des mots d'mikey. ''best men''. ça lui fait toujours drôle de se dire ça. que cet amant à la con, a pu devenir son voisin et meilleur ami. faut dire, qu'il l'a bien fait chialer mathilda. et ça, c'est ce qui lui fait porter une place spéciale dans son cœur troué.
- un bouquin? un bouquin, sur ta vie? t'sais écrire toi, tu fais aussi dans la biographie?
si faut le prendre pour un con, autant s'enfoncer de A à Z. c'est pas qu'il ne voit pas nana écrire. mais chacun son talent. mikey c'est celui de renvoyer les balles sur un terrain d'insulte, marvin c'est de descendre trois bouteilles en deux heures, nana c'est dessiner dans le noir des formes cousues. pas d'écrire.
- tu vas foutre quoi dans ton bouquin? tu vas pas quand même parler d'ça.
il pointe nana du doigt. pas très discret. y'avait pas l'intention dedans. pour les yeux du monde, mikey c'est encore le coach viril. celui qui n'invite que des femmes sur les places VIP pour ne pas perdre une seule seconde du match -le seul mec qui a pu poser ses fesses dans l'estrades, c'est marvin qui avait fait la gueule tout le long du match (mathilda l'ayant engueulé pour la énième fois à propos d'mikey). aucun autre homme. pas dans ce monde là. il y connait un peu. très peu. voir pas du tout. mais il a toujours respecté la situation d'mikey. rien dire. faire genre. ramener des putes à la maison. se balader une poupée au bras. pour voler les soupçons. et là, marvin, il finit son verre. s'en ressert un autre. qu'est-ce que ça peu lui foutre au final? pas plus que ce goût alcool, tant que ça fait du bien à la conscience. 

y'a le mensonge qui découle, qui dégouline des pores de la peau, tente de se faire une place pour faire croire à l'autre ce qu'est pas - outch elle fait mal celle-là. pas foncièrement, pas dans le coeur directement, mais c'est tellement mal ficelé que y'aura qu'une fin tragique : celle du pauvre illusionniste coincé dans sa boîte en ferraille. il tire sur sa clope, nana, un peu frénétiquement, un peu robotique qu'est tellement acoquiné à ce besoin qu'il prend plus le temps, le plaisir de se flinguer la santé pour un de tabac sur le rebord des lèvres. il se marre en coin de lèvres, baisse un peu la tête, se penche parfois pour faire disparaître peu à peu le bâton - il se consume en très peu de temps. c'est le voisin, c'est le meilleur ami, c'est celui d'à côté, c'est celui qu'est plus inspiré aussi - marvin c'est un syndrome de la page blanche qui se donne même plus la peine de se dire que ça le prend aux tripes. l'a abandonné. le drapeau posé sur le haut de la colline - c'est même pas planté. sans doute que ça lui fait plaisir, quelque part, de le voir se redresser, faire craquer sa colonne vertébrale pour plus qu'elle soit courbée, un tant soit peu préférer le soleil aux vers - y'a quelque chose de rassurant, satisfaisant, de percuter qu'il est pas totalement à jeter.
- fais, te gêne surtout pas. c'est pas qu'il se cachait nana, c'est juste qu'il a jamais posé sur le tapis ses cartes, qu'il a jamais été vraiment clair - puis qu'à force ça lui est passé au-dessus. mikey il savait au moins qu'il dessinait, que c'était assez bon pour que ça se produise en masse, que ça fasse partie de la société de consomm' sans laisser de traces - qu'il s'incruste ici ou là, qu'il soit même intervenant quand on voudra bien de lui. assez pour que ça paie - le sujet lui, l'a pas besoin d'être développé, travaillé, c'était dans l'indifférence, le manque de prise de conscience. il souffle une dernière fois la fumée opaque, balance en japonais.

- tu t'es foutu dans la merde.

clair, net, concis, couperet qui tombe sur la gorge, la tranche sans laisser au temps à l'autre de gueuler - haussement d'épaules, il referme finalement la fenêtre après avoir écrasé son mégot qu'il jette dans la poubelle. il se ramène, nana, tente de se faire une place dans la ligne droite - y'aurait de quoi faire un triangle, mais ça demande pas mal d'efforts. il ramène une jambe sous son corps, passe quelques doigts sur le verre encore plein - jauge le contenu d'un sourcil haussé, ricane un peu.
- j'fais des tas d'choses. t'as même pas idée de quoi sont capables ces dix doigts. y rebondit même pas sur le reste. le gamin, le ça, le ceci, le cela, les autres qui peuvent venir - l'est plus à ça prêt de toute manière. y se prend une gorgée, pousse un vague soupir - c'est quoi ce retournement foireux digne d'un vaudeville excessivement mauvais. dans sa tête il se met à réfléchir, nana, de l'heure à laquelle le dernier métro passera dans le coin - il se la jouera pas nuit blanche sous soupirs, mais plutôt pionce sur ses planches qui réclament une attention trop relâchée ces derniers temps. regard levé vers mikey - il veut bien le suivre dans son bobard, quitte à en raconter des bonnes sur ses inspirations, à la zola, à la king et à des tas d'autres, il pourrait essayer de façonner un bout de monde pourquoi pas. juste essayer. pas forcément y arriver - y'aura au moins le fond plus que la forme. ça marchera pas, le jeu en vaut pas la chandelle, ça laissera l'écho d'un éclat de rire - peut-être.

faut croire qu’il y aura toujours un foutu téléphone pour s’interposer. pour se situer juste dans l’espace, qu’ils soient dans la même pièce ou non, ça changerait pas. faut toujours que ça crache des vérités comme les poumons d’un dragon. il s’redresse un peu avant d’y jeter un coup d’œil. puis il scroll, il scroll, il scroll jusqu’à percuter le trait. la différence avec ce que google images finit par lui suggérer. mikey, il a ce sourire gêné. il saurait pas dire pourquoi, il avait pas cette image dans la tête. il avait des trucs, de gamins, des couleurs moins vives, y avait moins de chair à suspendre, moins de cuir à simuler sous le crayon. c’est pas, à ça qu’il pensait - mais qu’est-ce qu’il en sait ? ça fait même pas une semaine qu’il le côtoie nana. dans les faits. il se sent un peu con, finit par se désintéresser de l’œuvre qu’on agite comme les lumières du traîneau du père noël. j’pensais que c’était des dessins pour les gosses. quel con, crédule, naïf. il pouffe de rire mikey, il s’fout terriblement d’sa gueule tellement c’est facile. non, vraiment. il se débarrasse du smartphone de marvin, lui rend dans la main. ça l’emmerde que marvin soit plus au courant qu’lui mais, le ciel a pas encore des allures de fin du monde. au contraire. il s’dit juste que c’est sûrement un meilleur coup au pieu que prévu. il hoche la tête, se pince la lèvre avec désintérêt. il s’demande pourquoi marvin lui agite ça sous l’pif. dans l’fond, il s’en fout. c’était pas attendu mais, il était mal placé pour juger. c’est pas mon truc mais - rien n’est mon truc alors. il hausse les épaules. mikey, c’est sûrement la dernière personne à emmener à un vernissage ou une exposition. à part critiquer la cuisson des petits fours, il va vite faire le tour, prétexter une migraine ou un oubli de lunettes pour rester dans sa voiture à écouter la radio ou son cd de madonna -y a même des pistes qui sautent, d’puis le temps-. mais y a encore rien en japonais, ce qui ne veut pas dire qu’il percute pas, bien au contraire. coup d’œil discret à marvin. c’est pas comme si ils se cramaient à trois cent kilomètres, mais au fait si. alors il fronce les sourcils pendant un moment, s’agite en direction de la fenêtre. son japonais est pas aussi bon, mais il fait l’effort quand même.

- pars pas. il complique pas la phrase, y a pas besoin de longues tirades ennuyées. de un, il en est pas capable. de deux, ils vont pas causer en japonais juste à côté de marvin. de trois, il y a que ça qui lui vient et il va pas réfléchir 107 ans. y a pas l’temps. c’est pas pour rien qu’il raconte des gros cracks. il aurait bien aimé, dire la vérité, peut-être plus tard. dans cinq ans, faut l’temps que l’histoire se tasse. même si, cinq ans pour un écrire un livre c’est beaucoup. d’ailleurs tout le monde se fout éperdument de sa vie à l’exception de son mariage avec miss playboy et l’ange qui s’prend le combiné du téléphone en travers la gorge. y aurait une belle couverture, et à l’intérieur, encore six cent mots de couverture. et pourquoi j’ferais pas une biographie quand c’est du fric tellement facile ? ça sortait à la vente, et il y avait toujours une flopée de mongoles pour s'agglutiner pour une dédicace. deux lettres, une croix par flemme. il manquerait plus qu’il lâche un ‘vu’ sur la première page. bien sûr que j’sais écrire, j’ai même fait la dictée à ta femme si tu veux tout savoir. et pas que, mais c’était plus important. il inspire, l’impression d’aller nulle part indéfiniment. de s’enfoncer un peu. nana avait raison, son histoire était bien pourrie. mais l’entendre rentrer dans son jeu, ça lui tirait un petit sourire satisfait sur l’coin d’la tronche à mikey. c’était beau comme une extinction de voix. il lève la tête vaguement en souriant. pique un fond d’alcool à la bouteille. non marv, j’vais pas balancer que j’préfère les queues dans un bouquin stupide. j’aime un minimum mon boulot. la maison est déjà payée depuis trois plombes, il a plus d’études à payer non plus. il pourrait, tout envoyer en orbite, mais il crèverait.  

jeter son portable sous les yeux de mikey. il aurait pu. il ne s'est pas retenu. excité -non pas par les dessins- par l'idée de montrer le talent du gosse. l'alcool lui fait penser misère. il boit une dernière fois (ahah)[on entend le noir rire]. ça lui fait penser que mikey mérite d'y voir sous la table. sous son pied. sous la main de nana. sous ses doigts quand il porte un crayon. quand ses yeux s'effritent pour garder une ligne parfaite. tremblante. sous la peau lisse. lisse d'un crayon noir glissant sur feuille blanche. il les connait. pas vraiment. pas quand ils sont ensembles. leurs rencontres? leurs films favoris? leurs rires simultanés? leurs regards échangés? retour case départ. case vide où marvin il y fait juste tremper ses pieds. il les pose délicatement. faudrait pas faire peur aux poissons. il attend un peu. prend son mal en patience. il bouge pas. il se retient même de respirer quand il sent le premier poisson venir mordre la peau de sa cheville. ça commence à ramener la meute. y'en a trois. puis dix. puis vingt. puis ça se finit à ne plus voir la peau de ses pieds. marvin il en est encore qu'au pédiluve. à retenir sa respiration. à attendre que le premier des plus courageux sortent sa nageoire du noir. en jetant un regard à mikey. qui scroll. qui scroll. qui continue à scroller et ses yeux dérivent. son imagination aussi faut croire. des dessins de gosse. il reprend son portable. le range. boit encore. se ressert encore. il capitule (pas vraiment)[mais god, on en est déjà à la moitié].
- rien n'est ton truc? vla qu't'oublie l'21 juillet 01.
il sent déjà le coup de pied sous la table. le regard insistant. le vent qui souffle aux oreilles de nana de demander innocemment ce qu'il a bien pu ce passer ce jour-ci. mikey renflouer ses joues pour dire que ça r'garde personne. un petit con qui s'infiltre entre les larmes de son verre. un pincement à l'avant-bras lorsque nana se préoccupera d'une autre clope. mikey. mikey. mikey qui s'était enflammé ce soir-là. parce qu'il boudait dans la voiture. il pestait contre le monde qui grouillait dans les rues d'new york. qu'il aime pas les surprises. que c'est une grosse idée de merde. qu'il le déteste marvin, qu'il comprend même pas pourquoi il s'efforce de bouger ce soir. il aurait voulu rester chez lui. d'vant sa télé. merde, marvin, merde. puis y'a un parking. mikey qui croise une meuf avec la tête de madonna sur le sein. que des places s'agitent sous sa gueule. parce que marvin, c'est qu'un con. putain que ses oreilles ont sifflés de ce joli prénom. gros con. sale con. petit con. y'avait plus de marvin ce soir-là, qu'un con qui avait ce sourire scotché toute la soirée sur ses lèvres rosées.
ça parle en noich sous ses yeux. en coréen. en japonais. il arrive même pas à faire la différence. il relève pas. allez, montre que t'es un adulte responsable daddy. mais ça le fait chier. alors il tourne son verre. il s'excuse d'avoir tapé dans la jambe de mikey """"sans faire exprès"""" avec un regard conciliant. qu'on l'insulte. qu'on l'adule. ça sera toujours un gros gamin qui assiste aux Roland Garros. un regard vers nana. un vers mikey. un vers nana. un vers mikey. il compte les points mensonges. se demandent qui va louper la balle en premier.
- clairement pas assez curieux pour savoir.
il se retient de faire la grimace. ce ne serait pas correct. tant mieux pour mikey, il a envie d'se dire. l'gosse a pas encore tout perdu. il lève les yeux au ciel, ainsi qu'un verre aux lèvres quand y'a le mot femme qui surgit. il boit ses conneries comme deux sous. il hoche la tête. fait plaisir à mikey. ses délires de livre. de ne pas s'afficher. de ne pas foutre en l'air sa réputation. il passe au-dessus. ça le fait presque rire. voir qu'il démord pas. un vieux poisson accroché à la ligne mais qui continue. il nage. il nage. quitte à s'arracher la mâchoire pour se libérer de l'hameçon.
- la connaissant illettrée, j'me fais du soucis quant à ton bouquin.
pas capable d'écrire ''mavean ur a ashole" correctement.
à croire qu'ils auraient passés plus de temps à autre chose qu'à la dictée ???
- j'me disais aussi. même si tout l'monde en a plus rien à foutre. t'en penses toi?
il arbitre la scène avec déluge. balance le service au côté opposant les états-unis. y a le public qui s'accroche à son siège tant bien que mal. tandis que derrière sa télé on gueule sur l'arbitre, askip, incompétent (et saoul???). 

changement de tendance, de cadence, il se prend les pieds dans le parquet, dans ses pompes aussi - il percute pas trop ce qui se joue, ce qui se fait, ce qui se dit dans les regards, ce qui se cale dans les sous-entendus. parce que nana l'a jamais été très doué pour concrètement deviner les liens - il écoute beaucoup, parle pas toujours, essaie vainement de faire des traits entre les points chiffrés. là il y arrive pas, là il comprend pas - y se dit que c'est un mauvais concours de circonstances qu'a fait qu'ils se rencontrent ces deux-là, puis marvin et lui aussi. mauvais moment, mauvaise heure - il hausse les sourcils, secoue un peu la tête alors que la fin de son verre est vite enfilée, façon gant de velours sur doigts porcelaines. il sait pas si y'a des critiques, si y'a juste du tacle - ça le fatigue déjà. tête qui se penche sur le côté, jambes toujours sous son corps, il est pas sûr de vouloir s'engager sur un terrain miné - pas envie de se bouffer un obus, ou une bombe nucléaire, hiroshima c'était bien suffisant. il la jouerait bien greluche qui pose des questions gênantes, qui veut se faire ses petites pistes, un poil détective - il a pas envie de tomber dans ce genre de retranchements, taper dans la gêne pour soutirer ce qu'il veut. alors il hausse mollement les épaules, pousse un soupir.
- un partout la balle au centre. c'est que faut commencer à compter à qui taclera le plus fort, ça sonne reproches ou envies de secouer - l'est pas trop sûr, mais le timbre lui plaît plus trop à nana. papillonnement de cils, il abandonne finalement, se redresse sur ses jambes-aiguilles et cale profondément ses poings dans ses poches. et non, non, pas trop le style de dessins pour enfants. il ricane un peu dans son menton - y voudrait s'occuper les mains, nana, que ce soit avec une autre cigarette ou même un élastique. le fait est qu'il a rien, alors qu'il se retient, qu'il veut pas passer pour le pompier qu'est pas capable d'éteindre une pauvre étincelle - il est déjà foutu à ce point. ça commence à le gonfler - à pas trop savoir pourquoi, si c'est la fusillade ou tout le reste, soupçon de frustration qui fatigue.

- j'vais pas m'éterniser de toute manière. désolé pour l'plan à trois marvin, une prochaine fois p'tête ? sourire en coin de lippes, éternel qui jamais se tire, un peu marque de fabrique, virgule qui s'écrit pas spécialement comme les autres. pense à ram'ner une meilleure bouteille, j'ai connu mieux. y'a pas de bonne âme qui tienne, c'est pas le soir pour s'en mettre une de race - même si y'a de quoi quand y'a la naissance d'une tempête quelques éclats. il inspire profondément, fait quelques pas, ricane - c'est guttural, ça dure une seconde à peine.
- mikey, j'te file les prochains chapitres sous peu. en espérant que j'sois pas illettré. l'a pas plus d'idées pour enfoncer le clou du mensonge dans la plaie. c'est vrai qu'il pourrait en faire des caisses - ce serait louche, ce serait con, surtout face au voisin, surtout face à celui qui devrait tout savoir. il se sent pas de s'incruster, s'insérer là où y'a pas de place - il est pas en capacité, pas en étant qu'un curseur qui valdingue d'un onglet à un autre.

y a un goût d’avarié, une face à déclin dans chaque mot. un pareil disparate qui dégouline dans chaque verre qu’il avale. c’est du verre pas du cristal. c’est dépassé, renversé, écrasé, à retirer du bitume à coups d’pelle. l’horizon qui décline, les kilomètres qui s’bouffent entre eux et le corps de nana qui s’imprime plus sous son emprunte. le dessein qu’on tue sans couleur. [qu’on ne vienne pas lui parler d’art ensuite] il a un fond, un semblant de plainte. faudrait, qu’il arrête de faire mauvaise fortune bon cœur. qu’il laisse le monde tourner à l’envers, s’prendre une pile. qu’il torde les aiguilles d’son réveil, sans tête et sans bras. il a pas anticipé la cascade; seulement l’arrivée triomphe du soldat marvin qui donne à la fureur le pardon. il pourrait pas vivre seul, boire seul, insulter tous les taxis qui s’garent n’importe où seul. fallait marvin. fallait marvin pour faire revenir des comètes sur le grill. des soirées maudites qui s’finissent dans la voiture d’à côté. la minute qui dure trente minutes. il s’demande, ouais, qu’est-ce qu’il a gardé d’autres comme précieux souvenirs marvin ? il l’accompagne du regard mikey, pas convaincu de la pertinence du projet. j’aime juste beaucoup madonna.
t’avais pas un rendez-vous hyper important demain matin, pour le boulot ? (sûrement pas), il cherche juste à faire déguerpir marvin sans être impoli. il a pas ingéré suffisamment d’alcool pour faire un caprice. t’façon il y a pas assez de caméras pour accoler le mot ‘connard’ à son portrait. il attend une réponse de nana, il en obtient une autre de marvin. il y a la jambe qui vrille de côté, deux des pieds de sa chaise qui basculent en arrière. le soin attendu de retomber correctement, du talon, sur le pied -malchanceux- de marvin. c’est, exactement ce qu’il voulait. il insiste pas, du moins, sur le reste. le bouquin, le plan à trois, la piquette ou du fait qu’il soit agréable de se promener dehors à cette heure-ci. c’est faux.
il a pas envie qu’il parte nana, mais il a sa réplique coincé en travers de la gorge. c’est comme si il avait soudainement ce goût âpre dans la bouche. la conversation pénible. le regard ennuyé du mauvais plan tinder. du carrefour où l’on se sépare simplement en se serrant la main. il prend une longue inspiration mikey. se retient de ne pas bloquer toutes les issues. il a le regard à la fois ailleurs et fixé sur nana- il attend le sourire, le démenti, la chute, la farce. il va pas lui demander, une deuxième fois, de rester. visiblement c’était trop tard. j’peux pas te laisser partir si t’as bu. c’est facile, si facile qu’il balance ça en cajolant son verre mikey. il hausse les épaules comme si de rien n’était. use d’artifices démodés. il se lève pas pour autant, il se contente de se fourvoyer dans son regard à nana. il va pas valider qu’il parte comme ça. bim bam boum, merci pour tout et à la prochaine.
si jamais, on s’rappelle.
bye bye, have a good night.
what a joke. [on s’fout de sa gueule]
ses doigts repassent le cerclage du verre encore et encore. tu peux dormir là-haut s’tu veux. il est déjà tard. il ajoute rien d’autre. il va pas le raccompagner gentiment en voiture jusqu’à la prochaine station de métro. ni lui proposer de dormir sur le canapé. ça serait mentir, encore. mais même face à marvin, ça valait plus vraiment l’coup. là-haut, il y a qu’une seule chambre.
 

y'a que son regard qui s'agite. ses yeux qui semblent vivre sur un corps abandonné. une âme esseulée. l'esprit mourant. des mouches qui rentreraient et sortiraient de sa bouche, laissé dans l'caniveau depuis des semaines. son cœur arrêté. ses muscles déjà fondus. mais ses yeux. qui s'agite sur le ciel. qui enverrais des signaux en morse. c'est l'épave marvin. celle qui guette les perches tendu dans cette pièce. celle de mikey en sa direction. celle de nana vers la sortie. et mikey, tendant une perche longue de trente kilomètres vers nana. ''reste'' ''pars pas'' ''viens dormir avec moi'' l'excuse de l'alcool. et ça tourne autour. l'oiseau en plein vol, guettant le reflet de la vitre avec séduction. il plane. il se décide. pique-nez jusqu'à s'écraser sur la baie-vitrée. c'est ce qui danse ici. entre les deux. l'oublie de marvin là, collé sur sa chaise. l'oublier pour mieux vivre à deux. c'est con, il devrait se sentir con à penser ça. se dire que mikey il pourrait le remplacer. ne plus avoir besoin de lui. vendre cette maison. quitter cette chambre. paquet ses affaires. y'aura plus qu'un signe de tête entre eux. une poignée de main entre les rayons de la supérette. des invitations lancées dans le vide. et ses bouteilles qui se videront pourtant plus vite. ça sera un oubli. un dommage collatéral. donc pas si grave. s'il a réussit à venir jusqu'ici sans lui? c'est qu'il a plus besoin de lui à l'avenir. c'est qu'il va fermer le livre bennet. le poser sur sa commode. le regarder avec ennui, parce que, faudrait le finir un jour. puis nana touchera au marque page. sans faire exprès. ça saoulera mikey de recommencer du début. il le vira de sa commode. le posera sur sa bibliothèque. passera devant tous les jours, tous les matins, tous les soirs, tout le temps. il vivra en face. son corps se tira une balle de voir ce livre perdu. et son esprit, il voyagera dans mille et une contrée. avec la main de nana. le désespoir possible d'être à nouveau heureux. c'est pas l'cas avec marvin. ça ne l'a jamais été. ils broient du noir. ils ressassent le passé à la louche. juste parce qu'il était là. la bouteille à la main. à remplir les verres de malheurs. le boire ensemble. et faire semblant, semblant d'avoir tout oublié. même leurs identités.
c'est presque se sentir mal à l'aise. presque de trop. c'est pas dans ses cordes. marvin, il s'en fous de tout. il devrait. à son âge, il lève les yeux. au-dessus des problèmes de gamin. du collègue qui ne l'aime pas. de la vieille qui gare toujours sa bagnole dans son allée. du stagiaire qui a chopé son goûté. de sa petite-copine qu'est partit voir ailleurs. il est assez grand pour ne pas s'arrêter sur ce genre de problème. c'est faux. et c'est là que l'alcool intervient. faudrait qu'il consulte, qu'il appelle à l'aide, qu'il rampe jusqu'au combine pour se désintoxiquer. à quoi bon. arrêter l'alcool. pour qu'on lui diagnostique une leucémie à la place? quitte à choisir sa mort: c'est entouré de cadavre de bouteille, le vomi crevant ses lèvres, la sueur éclatant sa peau. mais le visage apaisé. il s'en rendra pas compte. trop bourré pour réagir. il serait là. mort. mais enfin tranquille.
y'a son portable qui commence à s'agiter sur la table. la gueule de bambi en gros. son prénom en gros. son numéro de téléphone en minuscule. il s'excuse même pas marvin, il décroche tout bonnement.
- sérieux?
l'coup du destin. le téléphone toujours gravé à son oreille. il lâche des hm; des ok; des sérieux?; à en perdre sa langue. il raccroche. se lève. laisse son verre à moitié pleins sur la table. nouvelle habitude désastreuse que de ne pas le finir. il s'en mordra les doigts demain.
- bambi pense avoir découvert une nouvelle étoile. j'peux pas rater ça, hein?
il parle pour lui-même. déjà effacé du tableau (son impression)[vieux jouet en bois remplacé par l'automate]. laissant sa chaise à l'abandon, y'a qu'un ''à plus'' qui sort croasse de sa bouche. il connait la sortie. il connait toute la maison. plus besoin de lui montrer le chemin. il voudrait lancer une remarque acerbe avant de partir. il cherche. il fait traîner ses pieds. ses godasses qui s'imprègnent dans le sol. ça vient pas. y'a que des insultes qui fussent. pas de joli mot pour ce soir. perdant de la guerre, il rentre dans son pays. laissant femme et enfant derrière lui (il doute mikey en femme)[le noich en bon costume enfant d'paysan]. comme un tableau de rubens, il n'est rien de plus qu'un innocent massacré. 

l'a prévu de se tirer, sans prendre ses valises pour autant, juste les clefs pour repasser par la porte en revenant. l'a prévu de les laisser, les laisser causer, rattraper il-sait-pas-trop-quoi. l'a prévu de tirer un peu sa révérence, sans pour autant se bouffer le parquet - mais il se fait couper la chique, ça le retient d'un côté, ça s'échauffe de l'autre, c'est plus ni drôle ni rassurant. l'a pas qu'un coup dans le nez marvin, l'en a bien quatre ou cinq, c'est monté, descendu vite. il reste debout, nana, un peu planplan, un peu con aussi, les mains dans le fond de ses poches, à froncer les sourcils, tenter de percuter le cumul d'actions qui se font - paraît qu'il a trop bu, qu'il peut pas sortir, paraît que toute excuse est bonne pour qu'il s'enracine dans la baraque tapée ikea pour y redonner un peu de verdure. paraît que ça se tire dans les bras plus qu'en dehors - il y répond rien sur l'instant, parce que y'a la chaise, parce que y'a la mine dépitée, parce que les sourires ça se paie à coup d'hameçons dans les joues. cils qui papillonnent il l'entend qui s'éloigne, cils qui papillonnent y'a un poids dans le coeur qui tombe - y se dit qu'il a dû merder quelque part nana, peut-être qu'il l'a trop ouverte cette fois, peut-être. peut-être. peut-être. l'a jamais aimé les conflits, nana, les malaises, les trucs qui se disent pas - trop vu, trop regardé de loin, trop vécu aussi pour être une habitude, ça en devient insupportable, presque douloureux. y pige pas où ça coince. ni même ce qui se passe dans la tête de l'illustrateur. il se sent petit, nana.
- il a beaucoup plus bu qu'moi. il a toujours pas bougé, face à mikey, sont plus que deux - parce que le troisième il est sans doute déjà dehors. il inspire profondément, passe quelques doigts dans sa nuque, l'angoisse qui claque dans ses os. il sait pas où il va. sans doute rentrer. sans doute rejoindre cette bambi - pour ce qu'il sait de qui elle est, pour ce qu'il sait tout court nana. il aurait bien aimé se dire que c'est rien, il aurait bien aimé se dire que c'est pas grave faut savoir retourner à la vie, il aurait bien aimé agir, revenir là où ça s'est fissuré - il y arrive pas. il pousse un profond soupir, se mord la langue du bout des dents. il enfile ses pompes, perché sur une jambe, main qui se maintient contre le mur, une fois, puis deux. souffle, l'écho inquiétude qui tape dans l'iris.
- va l'voir, vue la tête qu'il a fait, il a pas l'air bien du tout. y voudrait se marrer, se foutre un peu de la gueule du coup du sort ou simplement dédramatiser. à la place il racle le fond de sa gorge, tourne sa tête vers le couloir, la porte fermée. l'indésirable devenu désiré, à croire que les parasites savent se faire appréciables - on a pas idée d'incruster un bennet dans une vie et d'ensuite devoir s'en séparer, c'est pas dans les cordes sans y'avoir quelques dégâts.