sisters’ thing. (clara)

c ’est la rentrée. il faut reprendre un rythme de vie structuré. le mois de septembre a bel et bien démarré. les enfants ont repris le chemin de l’école. les parents galèrent entre les fournitures scolaires et les réveils matinaux. dans ton petit monde, l’été continue de jouer les prolongations. les vacances se sont terminées en pente très douce. le retour se fait très progressivement. il n’y a pas vraiment de rupture entre l’été et l’hiver pour les gens qui exercent un boulot comme le tien. tu bosses beaucoup moins que la normale, d’autant plus que tu es une "fille de". qui ne rêveraient pas de voir la fille d’un sénateur - qui plus est est dans les bonnes graces de l’opinion publique, défiler pour lui. résultats des courses tu n’as même pas à courir derrière les castings. tu es toujours sollicitée.
midi passée, tu t’extirpes enfin des bras de morphée. tu ne peux pas vraiment qualifier ta soirée de la veille de soirée de tous les excès. tu t’es lassée rapidement. tu es rentrée assez tôt, tu t’es repoussée le nez - au sens figuré, et tu t’es endormie. tu sors de ta chambre puis te diriges vers la cuisine pour boire ta dose matinale de caféine. bonjour beauté. tu souris à ta soeur après lui avoir déposé un petit bisou sur la joue. elle semble s’activer derrière les fourneaux. vous avez une cuisinière, mais depuis la mort de ta mère, clara tente d’être présente pour vous à tous les niveaux - la cuisine y compris donc. c’est toi qui nous fait à manger aujourd’hui? tu demandes en pressant sur deux trois boutons pour mettre en marche la machine à café? ( tu veux du café? ) tu ajoutes en t’essayant sur l’une des chaises hautes qui fait face au plan de travail. tu bosses pas?

Tu es chez ton père depuis le levé du soleil. En ce moment tu es toujours là, du matin jusqu'au soir, le seul moment ou tu es vraiment chez toi c'est pour dormir. mais ça te va, ça t'occupe et te permet de ne pas penser au père de ce bébé qui grandit entre tes entrailles. ce matin tu fais des pancakes, tu as fais du jus de fruit frais aussi. Sur le feu, dans la poêle, quelques tranches de bacon et des œufs sur le plat. un petit déjeuné basique dans ce pays qu'est l’Amérique. Tu as croisé Lara ce matin, qui a pris un verre avant de partir aussitôt. Tu t'occupes de tes cadets depuis la mort de votre mère, tu veux être là pour eux, parce que si a toi elle te manque terriblement, que son absence est difficile pour toi, que sa présence est un véritable vide dans ton coeur, tu sais que pour les plus jeunes c'est plus difficile encore. votre mère était toujours là pour vous, au petit soin presque, et tu as besoin d’être là pour eux. c'est finalement Kara qui descend de la chambre, vous avez encore tous vos chambres ici, meme ceux qui n'y vivent plus, parce que vous passez toujours du temps dans le coin. Tu lui souris, appréciant le baiser sur ta joue alors qu'elle te balance plusieurs questions. Concernant le café, tu lui fais un petit non de la tête, tu évites depuis la grossesse, surtout que l'odeur te donne la nausée. Et c'est le cas d'ailleurs actuellement, quand ta soeur lance la machine, les arômes arrivent a ton nez et tu as déjà quelques haut de coeur qui te donnent envie de vomir. « Non je bosse pas aujourd'hui, papa n'a rien de prévu avec les médias du coup, j'ai pris ma matinée. » Tu bosses pour ton père depuis quelques années, c'est pratique et chiant à la fois. au moins tu connais la vie de ton père et tu sais qu'il n'a pas de secret pour vous, tu sais ce qu'il traverse et tu es là pour lui. depuis la mort de maman, il y a quelques mois, vous vous êtes rapprochés, et pas uniquement pour le boulot, retrouvant une complicité que vous n'aviez pas forcement auparavant. « tu veux un petit dej complet ? » Tu sors déjà une assiette, lui mettant pancakes, oeuf et bacon sans même attendre sa réponse. Tu lui tends l'assiette, lui servant malgré son café, son jus de fruit. Tu te rapproches donc, mais l'odeur de café, mélangé aux œufs et bacon, c'est vraiment de trop mais tu retiens une nausée, lui tournant brusquement le dos en trouvant l'excuse de faire la vaisselle pour qu'on ne voit pas la tete que tu fais.

Spoiler:

t’admires clara. parfois, tu te demandes comment elle fait pour garder la tête sur les épaules comme ça, pour garder le contrôle sur sa vie. pour être si parfaite tout le temps et réussir tout ce qu'elle entreprend. malgré le fait que le mort de ta mère l'aie affecté tout autant que vous. puis, tu ne sais pas si c’est la génétique, le mimétisme ou tout autre concept scientifique ou social, mais la ressemblance est indéniable. et parfois un peu angoissante aussi. clara c’est la copie conforme de votre mère avec quelques années en moins. c'est ton repère, ton point fixe et rassurant. tu as l'impression qu'elle s'est donné plus de responsabilité qu'il n'en fallait. elle n'a même pas pris le temps de faire son deuil qu'elle s'occupait déjà de tout à la maison. elle te sert un petit déjeuner en bonne et due forme après t'avoir expliquée qu'elle ne travaillait pas aujourd'hui. merci, j'en avait besoin. il n'y a pas meilleur remède contre la gueule de bois qu'un bon petit déjeuner accompagné d'un bonne café. d'ailleurs, clara refuse que tu lui en prépares un. tu trouve ça étrange - elle adore ça d'habitude, mais tu ne relève pas. tu hausses un sourcil quand tu la vois faire la vaisselle. pourquoi tu ne mets pas tout dans le lave vaisselle? tu demandes. à ta connaissance, elle ne fait pas partie des gens que ça relaxe de faire la vaisselle. tu goutes les pancakes qu'elle a préparé et tu reconnais la recette de ta mère. tu la vois partout. dans tous les petits détails de ta vie et ça fait mal. parce qu'à chaque fois tu te rends compte qu'elle est vraiment partie pour de bon.

Spoiler:

Tu ne te sens pas bien. Tu ne sais pas si c'est l'envie de pleurer, l'odeur du café qui se mélange avec le reste. tu ne sais pas si c'est l'absence de ta mère, elle qui faisait vos petits déjeunés tous les matins depuis que vous êtes petits. qui sortait le bol avec vos céréales préférés déjà préparé. qui connaissait vos goûts par coeur, qui savait déjà ce que vous voudriez. tu ne te sens pas bien. est-ce que c'est parce que tu as le coeur lourd, que tu t’inquiètes trop. parce que tu as ce bébé qui grandit doucement et que tu ne sais pas comment l'annoncer a ton père, comment l'annoncer a ta famille alors que tu refuses de revoir le géniteur de ce bébé. comment expliquer, que tu es amoureuse d'un connard encore marié et qui te disait ne plus l'être. tu ne te sens pas bien et tu as l'impression que plus rien ne va dans ta vie. pourtant tu gardes ce sourire en regardant ta soeur, un sourire pour ne rien montrer, pour te montrer forte. « Ho y'a pas grand chose, pas besoin de faire une machine pour ça. » Excuse bidon, t'as juste pas envie qu'elle te voit retenir un haut de coeur et éloigner une nausée. Tu mets tout dans l'eau, ajoutant du produit senteur fruit mais finalement c'est la senteur de trop, l'odeur qui se mélange avec le reste et qui devient trop persistante avec l'odeur de la machine a café. Alors tu fuis, ne pouvant plus te retenir, courant pour rejoindre les toilettes du rez de chaussée, pour te pencher au dessus de la cuvette et vomir. les larmes aux yeux, les cheveux retombant sur le visage. finalement, après ça tu te sens un peu mieux, ton estomac se sent déjà mieux. « j'arr.. » tu vomis, glamour, c'est magique. « ...ive. »

Spoiler:

tu hausses les épaules, l'idée que ta soeur puisse te baratine avec une excuse ne te traversant même pas l'esprit. tu consultes un peu tes notifications en dégustant le déjeuner succulent que ta grande soeur t'as préparé. tes contacts sont tous en train de partager le dernier article de the cosmo. ces rumeurs sont peut-être fausses, et alors  ? ce n’est pas très grave. elles circulent, sont commentées, c’est le principal. ici, la véracité de l’info est parfois secondaire. ici, on accepte les infos tranquillement et docilement sans trop se poser de questions. douter, s’interroger, se remettre en question ce n’est pas très culture locale. c'est valable pour les rumeurs invraisemblables que tu te retrouves à colporter, mais c’est aussi valable pour tout ce qui t’est imposé. c’est comme ça. tu ne te révoltes pas - du moins pas publiquement. bougonner dans un salon sans trop faire de vagues, à la rigueur ça tu sais faire. par contre, l’autorité pyramidale est incontestable. tu es totalement absorbée par ton téléphone lorsque tu vois ta soeur courir vers les toilettes. tu la suis. elle vomit. tu essayes de limiter les dégâts en lui tenant les cheveux. oh, t'as chopé une bonne gastro toi. puis tu détailles un peu plus son visage. tu pleures... ? y a un tas de scénarios qui te traversent l'esprit. t'as pas envie d'aboutir à de fausses conclusions trop tôt. tu te contentes de prendre sa main dans la tienne. ça va? tu demandes. préoccupée.

Tu n'as pas pu luter contre les symptomes de la grossesse. Tu n'as pas pu lutter contre les odeurs de bacon, de café et d'oeuf. quelle idée d'avoir voulut faire le petit dejeuné aussi ! mais t'es comme ça, tu penses toujours aux autres avant de penser à toi même et c'est surement pour cette raison que tu te retrouves dans cette situation aujourd'hui. tu tiens ça de ta mère, de son instinct maternel, de son amour, de sa tendresse et de tout ce qu'elle a pu faire pour vous et votre père. Mais là t'as clairement pas pu résister, filant à toute vitesse aux toilettes pour vomir tes tripes et le peu que tu as mangé ce matin avant de venir faire la cuisine dans la grande maison où tu as grandit. les larmes aux yeux, ta soeur est finalement venue t'aider, parlant de gastro et c'est tant mieux, qu'elle évite d'imaginer une grossesse, parce que tu ne sais pas comment la famille le prendrait, comme ton père vivra l'annonce de ta maternité à venir. surtout que l'homme que tu aimes, le père de ce bébé, est finalement toujours marié. Tu lèves la main, levant le pouce pour lui dire que ca va, que ça ira. Tu finis par te relever, mais sans un mot, tu tires la chasse d'eau et tu t'éclipse jusqu'à la salle de bain pour te rafraîchir, pour te rincer la bouche surtout. te lavant les dents rapidement. t'as les yeux rouges, un peu cernée par la fatigue accumulé avec le stresse et tout ce que tu vis en ce moment. et ta soeur qui semble s’inquiétait pour toi. « ça ira.. je te remercie Kara. » tu tournes la tete vers elle, lui souriant doucement comme à ton habitude pour ne pas inquiéter ceux qui partage ta vie. « tu devrais aller finir de déjeuner pendant que c'est encore chaud. » une fois débarbouiller, et la mine un peu moins pale, tu poses un baiser sur sa joue pour repartir à la cuisine.

ta soeur ne se sens pas très bien. elle vomit ses tripes. elle semble avoir mal au ventre. et au cœur aussi - au vue de ses yeux embués. tu as une intuition aussi étrange qu’effrayante. tu l'observes se rincer la bouche pour se débarrassé de l'arrière goût de sa régurgitation. tu lui demandes ce qu'elle a. c'est le moins que tu puisses faire - te soucier de son état, inverser les rôles pour une fois. elle et toujours à ton chevet quand ça ne va pas. et présentement, il n'est même pas question de lui rendre la pareille ou quoi-que ce soit. tu ne supportes juste pas de la voir aussi tracassée. clara est toute pâle, ses jolis yeux sont soulignés d'énormes cernes violacées et elle n'affiche pas son sourire habituellement si doux. l'état d'esprit de tes proches a toujours influé sur le tien. qu'est-ce qui t'arrive clara? tu lui demandes en fronçant les sourcils. pourquoi tu pleures? t'as le droit d'aller mal aussi. tu ne dois pas toujours tout garder pour toi. tu penses qu'elle est en train d'extérioriser des mois et des mois de sacrifices, de prises de responsabilités et surtout de peine et d'angoisses. tu la suis jusqu'à la cuisine. tu te mets beaucoup trop de pression sur le dos. tu souffles en allant chercher sa petite main délicate. tu lui jettes un petit regard qui se veux réconfortant avant de te baisser pour la prendre dans tes bras. tu as beau être plus jeune, tu fais une dizaines de centimètre de plus que ta soeur. prend quelque jours de congé. on peut s'organiser des petites vacances, si tu veux..

Les nausées, c'est surement la chose la plus horrible dans cette grossesse. ça, et le fait que le père du bébé soit un enfoiré que tu ne veux plus revoir. Tu aurais aimé que ta mère soit là, qu'elle te prenne dans ses bras et qu'elle embrasse ton front en te frottant le dos. elle te manque plus que d'habitude depuis le jour ou tu as vu le résultat du test de grossesse. mais ta petite soeur, t'as pas envie de lui imposer tes problèmes, c'est déjà assez compliqué. Elle te suit, te dis que tu as le droit de ne pas être bien, que tu te mets trop de pression et elle n'a pas totalement tord. tu souris, quand elle parle de congès et même de vacances. c'est vrai que tu ne dirais pas non a un petit week end entre filles, avec tes sœurs, au bord d'une piscine ou peut importe ou tant que c'est loin de tout ça. « je peux pas. avec la rentrée, papa est débordé et je peux pas l'abandonner durant cette période. » tu bosses pour ton père depuis quelques années, tu es son attachée de presse et tu veilles a ce que tut se passe bien avec les médias. c'est un job à plein temps, quasiment, et difficile, épuisant parfois aussi. Mais le câlin de ta soeur, ses bras autour de toi, ça te fait craquer totalement et tu fonds en larme, ton front tombant sur l'épaule de ta petite soeur. tu chiales, parce qu'au fond depuis la mort de ta mère t'as pas vraiment pleurer, t'as pas vraiment fait ton deuil et tu prends sur toi pour que eux, puissent avancer. « je suis enceinte » que tu marmonnes entre deux sanglots. comment lui dire, qu'en ce moment, ta mère te manque plus que tout ?

elle travaille beaucoup, clara. elle donne vraiment de sa personne pour son boulot - elle est vraiment investie pour de vrai. encore une énième chose qu'elle fait parfaitement bien. de toute façon tu as toujours pensé que la photo de ton ainée se trouvait en face de la définition de l'idéal dans le dictionnaire. elle fait tout le temps tout bien - même quand c'est difficile, elle s'acharne tellement que ça finit par infaillible. tu n'es pas vraiment surprise de l'entendre évincé ton idée de vacances. même pas un week-end? tu insistes. tu penses vraiment que ça n'aura pas vraiment de conséquences - même si clara est essentielle au bon déroulement des conférences de presse et des meeting de ton paternel.
ça te brise le coeur de sentir clara sangloter contre toi. un frisson traverse ton corps lorsque l'un de ses larmes atterrît sur ton épaule. ton étreinte se fait plus forte. tu y mets toute ta force. tu ressens sa souffrance et franchement t'aurais préféré qu'on te plante en plein coeur plutôt que de la voir craquer comme ça, tellement cette image t'es douloureuse. puis elle te glisse cet aveu. étonnant. surprise que tu tentes de cacher. histoire de ne pas rajouter une couche. tu ne sais pas vraiment ce qu'elle pense de cette vie qui pousse dans la sienne. si cette grossesse était voulue - ce dont tu doutes fortement. si elle compte garder ce bébé. si tu connais le père. si quelqu'un d'autre a été mis au courant... mais ce n'est pas le moment de lui poser des questions. écoute mon coeur, peut importe le choix que tu vas faire, je serais là. et lara aussi. elle a juste besoin d'être rassurée - de savoir qu'elle n'est pas seule.

Hier soir t’étais sortie avec Kara, encore. Et t’avais bu, encore. Alors ce matin, quand t’avais ouvert un œil et qu’une armée de petites fourmis avaient commencé à défiler dans ta tête et devant tes yeux, t’avais tout de suite su que cette journée allait être longue. Pourtant, t’avais fait l’effort de te lever, les soirées oui, mais que si on assume te disait ta mère, et aujourd’hui, t’allais assumer. Ta tenue n’était pas des plus glamours, t’avais opté pour le confort et le passe-partout en enfilant un jean slim clair et un sweat noir, mais au moins, t’étais bien et c’était le principal. A traîner devant ton miroir pour essayer de cacher tes cernes t’avais failli être en retard alors t’avais descendu les marches quatre à quatre pour aller boire un verre de jus de fruits parce que tu n’avais pas le temps. De toute manière, tu ne pouvais rien avaler d’autre. T’avais salué Clara vite fait avant de sortir en courant de la maison, t’étais un peu déçue de ne pas pouvoir rester plus longtemps avec elle mais tu étais pressée. Pourtant, elle te manquait Clara et t’aimais la voir à la maison, comme avant, comme si rien n’avait changé. Ouais, t’avais besoin de retrouver cette sensation familière, cette impression que rien ne changerait jamais, parce qu’en ce moment, tout semblait évoluer et t’avais l’impression de rester plantée au milieu de tout ça. La vie défilait autour de toi, suivant tranquillement son cours et tu restais bloquée sur place, spectatrice de ta propre vie, prisonnière de ta peine. Dans la voiture qui te conduisait à l’université, tu commençais limite à t’endormir jusqu’à ce que ton portable vibre, c’était un message de Kady, une fille de ta classe. Les deux premiers cours de ce matin sont annulés, Mrs. Higgins a eu un accident hier soir. Tu te redressais fissa et pianotais à toute vitesse. Mince, c’est grave ? La réponse ne mit que quelques secondes à arriver. On s’en fout Lara, on a trois heures de libre devant nous. Tu soupirais, comprenant que tu n’en apprendrais pas plus de ta camarade et demandais au chauffeur de te ramener chez toi. Tu pensais trouver la maison calme, tu t’étais dit que Clara devait être partie au travail et que Kara devait dormir mais à la place tu les trouvais toutes les deux dans la cuisine, dans les bras l’une de l’autre. Ton aînée qui pleurait dans les bras de ta jumelle et ça te fit mal au cœur. Et puis, elle lâcha une bombe qui te fait lâcher ton propre portable sur le carrelage de la cuisine. Les deux filles sursautèrent et se retournèrent vivement vers toi. Désolée, tu lâchais, complètement gênée d’interrompre un tel moment. Clara était enceinte. Les larmes te montèrent doucement aux yeux, t’avais toujours été trop émotive de toute manière.

parce qu'on laisse pas bébé dans un coin:

Tu pleures, tu craques, avoir cette nausée sous les yeux de ta soeur c'est comme être prise sur le fait. tu craques, totalement, les larmes inondant tes joues alors que tu tentes de te reprendre. t'as filé dans la cuisine, pour fuir ses questions mais elle est tenace la petit soeur. elles sont toutes tenaces de toute façon. Alors tu pleures, la tête contre l'épaule de ta soeur. tu aurais voulu que ta mère soit la, elle aurait su te dire quoi faire, te rassurer, elle aurait dit qu'elle était la pour toi et qu'elle t'aiderait dans chaque étape de la grossesse. tu lui aurais parler de Jules, et elle t'aurait surement conseiller sur ce que tu dois lui dire. mais là t'es toute seule, ton repère n'est plus là et tu ne peux t'empêcher de sentir ce manque encore plus qu'à ton quotidien. votre mère est morte depuis six mois, et tu ne t'es toujours pas remis de sa disparition. T'as toujours l'instinct de l’appeler quand tu vas pas bien, y'a encore son numéro de téléphone dans ton répertoire. tu n'arrives pas à t'y faire. mais là t'as besoin de quelqu'un, pour supporter tout cela, pour te confier, pour pleurer, et les bras de ta soeur te font du bien. elle dit qu'elle sera là quoi que tu fasses, sans te poser de question, sans te demander depuis quand, ni avec qui, et tu apprécies. Mais alors que tu allais répondre, un bruit attire votre attention. Lara est rentrée, qu'est-ce qu'elle fait là ? Tu te recules de ta soeur, vivement, comme si c'était encore possible de faire comme si tu allais bien. tu passes ta main sous tes yeux rougies et tu regardes Lara en prenant une petite moue. « t'es pas sensée être en cours ? tu ne sèche pas j'espère ? » tu l'engueules pas, de toute façon elle est assez grande pour savoir quoi faire mais ça attire l'attention sur autre chose que ce qu'elle vient d'entendre. Comme si c'était possible d'oublier ce que tu venais d'avouer à ta soeur. t'espère juste qu'elles n'iront pas le dire à votre père ou à quelqu’un d'autre. famille ou non. Tu tournes le dos, encore, séchant un peu mieux tes yeux et les larmes rebelles, reprenant finalement cette vaisselle que tu avais abandonné à cause d'une nausée. « kara, finit ton petit dej s'il te plait » comme si rien n'était arrivé.

Spoiler:

clara est enceinte. elle a un embryon dans les entrailles. une vie qui pousse dans la sienne. en te réveillant ce matin, tu n'aurais jamais cru avoir droit à se genre de révélations. des dizaines de questions se bousculent dans ta tête, mais tu n'oses n'en poser aucune. par peur de brusquer ta soeur. tu te demandes comment ton père réagira. elle n'est pas mariée. elle n'est même pas en couple - tout au moins, de ce que t'en sait. et en vue de sa réaction, elle ne doit pas être en bon termes avec le père. une chose est sure, c'est que cette grossesse n'a pas été voulue. en toute évidence, c’est un accident. et ça arrive. c'est arrivé à clara. ça aurait pu arriver à n’importe qui. de la sainte-nitouche qui fait confiance au mauvais garçon à l’inconsciente qui s’offre en se croyant invincible. ça peut arriver. et tu emmerdes celui qui aurait la stupide impertinence de porter un jugement. sauf que voilà, ta famille et toi êtes sous le feu des projecteurs. ton père est gouverneur de new york. il se doit de donner l'exemple. sa famille et lui. vous faites partie de ceux dont les vies sont encore régies par les règles sociétales du siècle précédents - en apparences. entre envie de perfection maladroite et égoïsme culpabilisant, ton entourage a) tout fait pour vous inculquer des valeurs puritaines. tu sursautes - relâchant clara, en écoutant le bruit sourd du téléphone de ta jumelle s'écraser contre le carrelage de la cuisine. elle pleure aussi. trop émotive. surement la plus émotive de vous trois. et t'aimes pas la voir dans cet état - tout comme t'aimes pas voir clara au bout de sa vie, alors tu te diriges vers elle et lui embrasse le front. pleure pas mon chat. clara te demandes de finir ton petit déjeuner, alors tu tires ta jumelle, lui intimant de s'assoir à côté de toi. goutes, on dirait les pancakes de maman. tu fais comme si de rien était, comme si c'était une journée normale. parce que ton ainée n'a pas besoin que vous en fassiez des tonnes. parce qu'elle doit déjà se sentir assez mal comme ça.

Tu te sens bête, tu sais plus trop où te mettre. Quand les filles se retournent brutalement vers toi, t’as l’impression d’interrompre un moment sacré, le genre de moment intime de réconfort dont on a tous besoin. Si tu n’avais pas lâché ton portable comme une gourde, t’aurais pu t’éclipser discrètement, contourner la cuisine et monter dans ta chambre mais c’était trop tard. Le bruit de l’engin recouvert de verre trempé contre le sol n’était pas dans plus discret et tu venais de casser la magie d’un moment précieux entre tes sœurs. Tu te sentais carrément mal. Clara avait décidé de se confier à Kara et voilà que tu débarquais, toujours au mauvais moment au mauvais endroit ces temps-ci. Tu pouvais comprendre que ton aînée ait décidé de se confier à ta sœur et pas à toi, tu l’avais compris au moment même où de petites larmes avaient roulé sur tes joues. Kara était plus forte, elle pouvait encaisser tellement plus émotionnellement parlant, pis elle savait se montrer forte, même quand une tempête soufflait à l’intérieur de son cœur. T’étais pas blessée d’avoir été laissé de côté, t’avais l’habitude d’être celle que l’on protégeait de tout. Et puis fallait avouer que ces derniers temps, t’étais carrément à côté de tes pompes. Peut-être que Kara avait flairé les choses et pas toi, parce que t’étais carrément ailleurs depuis le décès de ta mère. Six mois pour faire ton deuil, c’était pas assez long, t’étais même pas sûre de l’avoir encore accepté, alors passé à autre chose.. A la question de ta sœur, tu te contentes de secouer la tête de gauche à droite. Tu n’allais pas commencer à lui raconter ta vie et comment tu avais appris l’accident de ta professeur d’italien, elle avait des choses beaucoup plus importantes à gérer. T’aurais voulu ajouté quelque chose mais elle tourna les talons et repartie à sa tâche tandis que tu te baissais pour ramasser ton smartphone, t’espérais qu’elle ne t’en voulait pas trop d’être arrivée comme un cheveu sur la soupe. C’est le geste de Kara qui finit par t’apporter du réconfort, son baiser sur ton front qui signifiait qu’elle serait toujours assez forte pour vous deux. Désolée, tu chuchotais en t’essuyant les yeux d’un geste rageur. Si seulement tu pouvais être aussi forte que ta sœur. Tu te laissais guider vers la table et pris place à côté d’elle, tes petits yeux bleus fixés sur le dos de Clara. Un croc dans les pancakes t’indiqua que la recette de votre mère avait été respectée à la lettre. Hm, trop bon, on dirait ceux de maman c'est vrai, ils sont encore tout chaud en plus. Sauf que maman n’était plus là. Tu reposais la fin du pancake sur la table et sourit à ta sœur, pour ne pas qu’elle voit à quel point tu étais bouleversée. Ça va, Clara ? Tu voulais pas enfoncer le couteau dans la plaie mais tu te sentais trop mal, alors tu voulais savoir si elle t’en voulait ou pas.

Tu n'imagines pas dévoiler ton secret à l'une de tes sœurs, ni même que la seconde arriverait au même moment. toi qui voulait garder ce secret encore un peu de temps pour avoir la possibilité de trouver les bons mots, de savoir surtout ce que tu allais faire. tu sais que tu n'avorteras pas, c'est contre tes principes, tu assumeras cet accident, ce bébé qui n'a rien demandé à tout cela. Tu ne sais juste pas comment l'annoncer a ton père, dire que tu t'es faite avoir par un homme.. encore une fois.. que tu es amoureuse d'un connard qui n'a cessé de mentir. peut-être qu'il voulait juste de l'avancement, ou être bien vu par le gouverneur de cet état. t'en sais rien, mais tu en souffres. cette fois tu ne peux pas juste avancer, parce qu'il y a un passager clandestin. Tu voulais juste avoir un peu de temps supplémentaire pour savoir gérer tout cela, pour savoir comment le gérer surtout. Mais tu vois bien que ta petite soeur, Lara, a les larmes aux yeux, et tu déteste ça, tu sais qu'elle est sensible et qu'elle souffre encore de la perte de votre mère, comme vous tous à vrai dire. Les compliments sur les pancakes, ça te fait un pincement au coeur. c'est la recette de votre mère, celle qu'elle utilisais depuis votre enfance, vous avez grandit avec ces pancakes tous les matins alors ça te fait plaisir de savoir que tu les réussis mais tu sais qu'ils ne remplaceront jamais ceux de votre maman. Ta soeur te demande si tu vas bien, tu ne sais pas vraiment quoi répondre, t'as pas envie de mentir mais t'as pas forcement envie de leur dire que c'est la merde dans ta vie. tu finis par approcher, lui souriant tendrement et passant un bras autour de ses épaules. « ca ira puce, t'en fais pas pour moi d'accord ? mais pas un mot a qui que ce soit ! » tu déposes un baiser sur le front de Lara avant de repartir ranger tout ce que tu avais sortie pour faire le petit déjeuné. « et donc jeune fille, pourquoi t'es pas en cours ? » tu veux changer de sujet, reprendre une matinée aussi normale que possible. Alors tu la regarde, une main sur la hanche, le sourire sur le coin des lèvres.

lara qui demande pardon. encore. comme à son habitude, par peur de vous avoir brusqué. par peur d'avoir fait quelque chose de travers. petit ange déchu. t'excuse pas. c'est ce que tu lui dis à chaque fois. tu sais pas trop comment réagir, alors tu fais comme si de rien était, complimentant le petit déjeuner préparé par ton ainé. tu veux bien faire. t'as toute la bonne volonté du monde, pourtant, c'est clara qui sait toujours quoi faire... depuis que maman n'est plus là. c'est elle qui gère tous les problèmes. tu trouves ça pathétique d'en venir à penser que la venue au monde d'un bébé est un problème - parce que oui, tu sais pertinemment que clara est contre l'avortement, par principe; mais c'est comme ça dans votre milieu d'hypocrites constitué de moralisateurs de salon, d'apôtre de la bien pensance, de prophète du "faites ce que je dis, mais surtout pas ce que je fais"... tout le monde couche avec tout le monde, mais une femme célibataire qui accouche, ça ne rentre pas dans les normes. tu sais que clara se fiche bien de l'avis de gens, il n'y a que l'avis de ton paternel qu'elle appréhende. d'ailleurs tu ne sais même pas si elle lui en a déjà parler. est-ce que quelqu'un d'autre est au courant? tu oses - timidement. histoire que tu fasses attention à ne pas aborder le sujet avec ton père, ou devant lui. si t'as besoin de parler ou de te confier, on est là, hein. tu ajoutes. elle n'est pas toute seule. et elle ne le sera jamais. les liens du sang qui vous lient sont plus fort que tout. elle n'aura rien à assumer toute seule. tu sais qu'elle a tendance à tout garder pour elle et tu ne veux pas l'obliger à parler. je veux dire, t'as pas à tout garder pour toi encore une fois. toi aussi t'as le droit d'être rassurée. parce que clara. elle a toujours eu une pression monstre sur les épaule. plus que lara et toi. parce que c'est la plus grande, parce qu'elle n'a jamais déçue. mais personne n'est parfait. et elle aussi, elle a le droit de trébucher ou de s’égratigner parfois.